Angelo Rizzoli, l’homme de la maison d’édition et de la mythique librairie new-yorkaise, était aussi et surtout un producteur de cinéma. C’est à ce Milanais que l’on doit La Comtesse aux pieds nus (Mankiewicz) et La Dolce Vita (Fellini). Dans les années 50, il tombe amoureux de l’île d’Ischia, dans le golfe de Naples, et ne regarde pas à la dépense pour restaurer la villa Arbusto, une demeure du XVIIIe siècle. Il en fera son Buen Retiro et y accueillera la jet-set de l’époque, lui offrant de vivre la fameuse dolce vita.
Les rues d’Ischia voient alors défiler les stars d’Hollywood et de Cinecittà. Plus aucune chance, aujourd’hui, de croiser Humphrey Bogart, Marcello Mastroianni, Anita Ekberg, Ava Gardner ou Gina Lollobrigida, mais les paysages de l’île sont des personnages à part entière et ont continué d’inspirer les cinéastes. Billy Wilder y a fait venir Jack Lemmon pour Avanti!, Brad Pitt, Matt Damon et Gwyneth Paltrow y ont pris des coups de soleil sur le tournage du Talentueux Mr. Ripley, et, plus récemment, c’est Benoît Jacquot qui en a fait le décor de Villa Amalia, avec Isabelle Huppert. Le metteur en scène français est un amoureux de cette île discrète à l’allure grecque : « Je connais le golfe de Naples depuis l’adolescence. À cet âge, déjà, j’avais été touché par la force du lieu. J’ai beaucoup voyagé mais cet endroit demeure sans conteste celui qui me transporte le plus. À chaque fois que j’y reviens, c’est un émerveillement. En s’éloignant des balises touristiques, on peut s’y retrouver seul, ébloui. »
Cette île volcanique est l’un des patrimoines thermaux les plus riches du monde, avec 69 groupes de fumerolles, 29 bassins hydrothermaux et près de 100 sources d’eaux thermominérales, dont les températures à l’air libre oscillent entre 15 °C et 86 °C. C’est simple, c’est ici que les Grecs ont inventé la thalasso ! Pour séduire les visiteurs, on ne dit plus « établissement thermal » mais « jardin thermal ». Ça sonne tout de suite mieux et c’est la vérité : le parc Negombo ou les termes jardins Poseidon sont de superbes espaces verts en terrasses qui plongent vers la Méditerranée. Spécialités : la fangothérapie (bains de boue), les grottes sèches à température élevée (l’équivalent du sauna) ou humides (sorte de bains turcs dans la nature). Été comme hiver, on s’immerge dans des bassins creusés à même la pierre, avec vue imprenable sur la mer.
Ischia n’usurpe pas son surnom d’« Isola verde » : elle est l’une des seules montagnes au monde à être composée de tuf vert avec l’île d’Hokkaido, au Japon. En son centre, le mont Epomeo est un potager géant d’où sont issus les légumes servis aux tables des restaurants. L’île est grande : il faut y séjourner, s’y perdre, traîner des heures en jouant aux cartes au Bar Internazionale, comme le firent en leur temps Truman Capote et Alberto Moravia, s’adonner au shopping dans le ravissant petit port de Sant’Angelo, interdit aux voitures mais qui abrite yachts et boutiques de luxe, négocier un forfait avec un canot qui vous emmènera déjeuner dans les criques, sauter sur un scooter de location pour s’enivrer du parfum de Luchino Visconti à la villa La Colombaia, dans le bois de Zaro. En descendant de cet isolement vertigineux par des routes mal fichues en zigzag et des goulots à une seule voie, on se perd facilement. Mais n’est-il pas délicieux de se perdre sur une île ?