Si le nom d’Objekto est indissociable du Paulistano, c’est d’abord parce que les trois associés de cet éditeur marseillais ont choisi de confier au MoMA un exemplaire original du fauteuil que leur avait offert Mendes da Rocha « afin qu’il soit accessible au plus grand nombre plutôt que de traîner dans nos bureaux », comme l’explique avec modestie Benoît Halbronn. Et, deuxièmement, parce qu’en faisant le pari d’une production 100 % made in Europe, pour garantir aussi bien les prix que la qualité, ils permettent à quelque mille heureux nouveaux amateurs par an de profiter de sa silhouette unique et de son confort inégalable.
« Notre volonté initiale était de conserver la production au Brésil, mais on a très vite perdu nos illusions, explique Guillaume Leman. Si l’on prend en compte la technicité et la productivité du “made in Europe”, le coût brut de fabrication est déjà un peu en-dessous de celui du Brésil. Si l’on ajoute les frais de transport et les droits de douane, on est carrément bien en-dessous. » Les idées reçues en prennent un coup : « Le Paulistano européen est environ 30 % moins cher que son alter ego brésilien », avance sans langue de bois Mathieu Halbronn. Dès 2006, Objekto a donc « délocalisé » (!) la production sur le vieux continent. « On fabrique en Europe pour des raisons de qualité et d’éthique », explique posément Benoît. « On est fiers de ne pas produire en Chine. On travaille proprement, on verse des royalties, on paye nos fournisseurs à l’heure. Notre ambition est simple : faire des produits durables, techniquement et stylistiquement parlant. »
Si l’on scanne le Paulistano, on s’aperçoit donc que 100 % de ses éléments dessinent une cartographie des meilleurs savoir-faire hexagonaux et européens. L’acier de la structure est coulé dans les Alpes par Ugine, versant français pour l’acier Inox, versant italien pour l’acier carbone. Le cintrage et la soudure des barres d’acier sont effectués en République tchèque par une petite entreprise qui produit principalement des cadres de vélo. Le cuir est tanné et teint végétalement avec des écorces de mimosa et de châtaignier à Rodez (Aveyron), par une société qui travaille également pour Hermès. La toile est tissée dans les Vosges, la sellerie piquée en Vendée par des spécialistes du nautisme et de l’aéronautisme.
Le phosphatage des barres d’acier carbone (opération qui consiste à les tremper dans un bain de manganèse, ce qui génère une oxydation protectrice en surface) est réalisé à Marseille, à deux pas des bureaux d’Objekto. « On a fait le tour de l’Europe pour localiser la société ad hoc qui s’est révélée être juste au bout de notre rue ! », racontent, amusés, Benoît et Guillaume. A partir du modèle original (base en acier carbone phosphaté et housse en toile de bâche de camion), quatre adaptations ont vu le jour, entièrement validées à chaque fois par Paulo Mendes da Rocha en personne, cela va de soi.
En 2006, l’attribution du Pritzker Prize à l’architecte brésilien a offert un coup de projecteur médiatique au Paulistano, dont le statut d’icône du design a été confirmé du jour au lendemain. Avec flair, Design Within Reach, LE distributeur multimarque de design international aux USA, venait justement de s’intéresser à la discrète réédition d’Objekto. Pour répondre à la demande du marché américain, qui représente aujourd’hui 20 % des ventes, une version avec housse en cuir et base en acier Inox poli a été développée.
« Pour un esprit américain, l’Inox est censé être plus résistant à la corrosion que l’acier carbone, ce qui est faux, s’insurge Benoît Halbronn, mais bon… » Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aux Etats-Unis, 95 % des Paulistano possèdent une structure Inox. La seconde version est due à la passion que voue Rosita Missoni au Paulistano, découvert à Milan chez Rossana Orlandi. C’est sa ténacité et sa gentillesse inouïe qui ont finalement convaincu les trois associés de réaliser une série ultra-limitée (500 pièces) du fauteuil, habillé pour l’occasion d’une housse réversible affichant les emblématiques rayures bayadère de la griffe italienne.
Après une troisième version en cotte de mailles (qui a suscité l’enthousiasme de Paulo Mendes da Rocha !), la quatrième amorce un changement d’usage puisqu’il s’agit d’une déclinaison outdoor. Mais avec une housse en grosse toile de coton, comme dans les années 50. Toujours cette même toile des Vosges, mais traitée de façon à devenir imputrescible, imperméable, antitaches et résistante aux UV. Le tout sans un seul changement à l’oeil ou au toucher. Une humeur délicieusement vintage qui sonne comme une carte de membre au très select club athlétique de São Paulo. Obrigado !