Comment vivrons-nous demain ? C’est en substance la vaste question sous-tendue par The Camp, qui a soufflé sa première bougie fin 2018. Consacré aux technologies émergentes et aux nouveaux usages, ce lieu à la fois transdisciplinaire et transgénérationnel rassemble des talents du monde entier, unis par l’envie d’explorer le futur dans différents domaines tels que le logement, la santé, l’alimentation, les transports et bien d’autres.
À l’origine de ce projet ambitieux et inédit en Europe, il y a Frédéric Chevalier. Passionné d’innovation, cet entrepreneur qui a disparu brutalement en juillet 2017, avait compris que les nouvelles technologies tiendraient une place grandissante dans notre quotidien. En 2013, il a imaginé un lieu pour que puissent se rencontrer des start-upers, des artistes, des scientifiques, des dirigeants d’entreprise, des codeurs et des représentants d’ONG, afin d’inventer le futur de façon collaborative.
Orphelin de son initiateur, The Camp fut porté par l’ensemble des acteurs impliqués, bien déterminés à réaliser le rêve de Frédéric Chevalier. Il a ainsi pu être inauguré à Aix-en Provence en septembre 2017. L’entrepreneur aixois avait rencontré Corinne Vezzoni à l’occasion d’un jury de concours d’architecture. Deux ans plus tard, c’est vers cette architecte marseillaise qu’il s’est tourné pour mettre son idée un peu folle en espace et bâtir un lieu pour lequel il n’existe pas de modèle. « Atypique s’il en est, ce projet ne comportait pas de programme fixe ! Quoi de plus délicat qu’une page blanche jetée en pleine nature ? Comment matérialiser un nouveau concept qui consiste à libérer des individualités porteuses de projets pour leur permettre de créer dans des conditions optimales ? » s’est alors interrogée Corinne Vezzoni.
Pour répondre à ce programme disruptif, elle a proposé une architecture permissive, capable d’accueillir à la fois l’aléatoire et cet écosystème humain. Inspiré des campus américains mais aussi des FabLab, The Camp est installé en lisière d’Aix-en-Provence, sur le plateau de l’Arbois, au sein d’un site paysager remarquable de 7 hectares. « Je me suis imposé de modifier le moins possible le site, de construire de façon à préserver au maximum les arbres », explique en préalable l’architecte.
Sur 10 000 m2, le campus se décompose en différentes entités qui partagent un objectif commun : être en symbiose avec l’environnement. Deux bâtiments en bois (du mélèze) accueillent la résidence hôtelière (110 et 45 chambres), qui se déploie tel un ruban en formant une barrière visuelle vis-à-vis de la ville, « l’ultime frontière avec le monde extérieur, un seuil à franchir pour entrer dans la nature », précise Corinne Vezzoni.
Le reste du programme (salles de réunion et de travail, pôle administratif, espaces de restauration…) se répartit dans une série de 13 cylindres inspirés par la biologie, où, à l’image des cellules qui foisonnent et communiquent entre elles, les idées et les compétences circulent. « L’idée était d’éviter tout angle droit dans ce site naturel. Le cylindre permet de s’affranchir de la hiérarchie architecturale traditionnelle : il n’y a pas de façade avant ou arrière, ni de hall. Ce qui crée un lieu à l’image de la manière différente de travailler qui est ici encouragée. »
En verre courbe transparent ou en béton opaque, en rez-de-chaussée ou en double hauteur sur le plateau bas, ces structures sont posées dans la nature sans en modifier la topographie. Pour les protéger, une toile tendue géante forme une ombrière blanche ponctuée de trois vastes puits donnant sur des patios végétalisés. « D’un cylindre à l’autre, la circulation est fluide et crée des entre-deux intéressants. L’articulation des espaces intérieurs et extérieurs est propice à l’appropriation des lieux et aux rencontres fructueuses entre les différents acteurs », poursuit Corinne Vezzoni. S’il est parfaitement en prise avec le territoire aixois, The Camp pourrait tout aussi bien devenir un modèle reproductible pour pousser encore plus loin le rêve de son fondateur visionnaire.