Rue Méchain, à deux pas de l’Observatoire de Paris, se cache un autre trésor du patrimoine national… Inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, cet immeuble édifié entre 1928 et 1929 constitue le seul projet de logements collectifs signé de la main de Robert Mallet-Stevens (1886-1945). Une précieuse rareté contre laquelle doit bientôt s’adosser un nouveau bâtiment, jugé « dégradant » par ses détracteurs.
Sur la parcelle voisine, le futur projet doit longer le mur mitoyen avant de s’accoler à l’édifice de l’architecte moderne. Jusque là, aucun problème… sauf qu’avec leurs trois niveaux, les dix logements prévus par le promoteur vont dépasser d’un étage le bâtiment abandonné. Une différence d’environ trois mètres, dont l’Association de sauvegarde de l’immeuble du 7, rue Méchain dénonce aujourd’hui les conséquences.
Déjà obstruées au rez-de-chaussée par l’actuel bâtiment adjacent, les ouvertures de la façade Est vont connaître le même sort au premier étage. Un préjudice notable pour le propriétaire de l’appartement mais contre lequel il semble difficile de lutter. Ces fenêtres étant considérées comme des « jours de souffrance », une tolérance judiciaire s’applique de fait à leur fermeture. Sans compter que seules les façades principales sont classées, contrairement à celle orientée vers la cour voisine qui n’est qu’un simple pignon…
« Au-delà des ouvertures condamnées, le projet menace directement l’intégrité de l’immeuble. Sa hauteur aura forcément un impact sur l’équilibre fragile de la volumétrie » nous confie une habitante des lieux. Membre de l’association de sauvegarde, elle est aussi surprise que déçue face au permis de construire délivré par les Architectes des Bâtiments de France : « Je trouve cela assez incroyable qu’on puisse apporter aussi peu de considération à une œuvre aussi rare. »
En plus des répercussions visuelles et lumineuses sur le jardin, les membres de l’association craignent donc une dévalorisation du travail de Robert Mallet-Stevens, particulièrement bien représenté ici avec un jeu de verticales et d’horizontales, de reliefs et de dissymétries qui animent chacune des deux ailes composées de six et neuf étages. Une échelle inhabituelle pour l’architecte, plutôt auteur de villas et d’hôtels particuliers, mais toujours aussi perfectionniste quand il s’agit d’aménager ses intérieurs.
Eclairée par un long vitrail filant, la cage d’escalier illustre à elle seule le goût du détail de cet ancien décorateur pour le cinéma. Depuis trois ans, ses poignées en métal nickelé, la réplique du tapis d’origine et un garde-corps émaillé attirent chaque année jusqu’à 800 visiteurs lors des Journées du patrimoine. Un public d’amateurs et de passionnés, que l’association espère maintenant mobiliser via sa page Facebook avant le démarrage des travaux au mois de décembre. Un délai très bref qui lui laisse néanmoins le temps de préparer un recours en justice…