Paris : La rénovation tout en lumière du Lutetia

Restauration de l’existant, recréation de ce qui avait disparu, remise aux normes… Après quatre ans de travaux, le joyau de Saint-Germain-des-Prés, dans le VIe arrondissement de Paris, seul « grand hôtel » de la rive gauche, a rouvert ses portes. Jean-Michel Wilmotte et Perrot & Richard Architectes ont effectué ici un travail approfondi sur la mémoire.

Le travail fut colossal, et finalement payant. Mais il fut surtout architectural car il s’agissait de redonner à ce paquebot échoué boulevard Raspail (et devenu propriété de The Set Hotels), non pas l’élégance qu’il n’avait jamais vraiment perdue, mais surtout sa lumière, afin de l’inscrire dans le catalogue des grands hôtels d’aujourd’hui. Premier impératif, la lumière, donc, qui faisait cruellement défaut. Elle a surtout été retravaillée au rez-de-chaussée par la création, entre autres, d’un patio qui relie le salon Saint-Germain, la bibliothèque et le restaurant L’Orangerie.

La façade de l’hôtel Lutetia, construite en 1910, a été restaurée à l’identique.
La façade de l’hôtel Lutetia, construite en 1910, a été restaurée à l’identique. Mathieu Fiol

« La Brasserie est également un espace important de l’hôtel, indique l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Nous y avons retrouvé la double hauteur sous plafond qui existait à l’origine du bâtiment. » Deuxième chantier, et pas des moindres : une nouvelle circulation, avec une réorganisation du lobby et la création de nouveaux espaces de vie. Quant au troisième challenge, il consistait à remettre le Lutetia aux normes – y compris écologiques – de la réglementation actuelle, en gérant l’énergie et le recyclage des eaux, ce qui ne fut pas une mince affaire.

Une œuvre colorée de l’artiste Fabrice Hyber agrémente désormais la verrière du salon Saint-Germain.
Une œuvre colorée de l’artiste Fabrice Hyber agrémente désormais la verrière du salon Saint-Germain. Mathieu Fiol

 

 

 

Restait la restauration des peintures décoratives, des fresques, des mosaïques, qui avaient disparu sous des dizaines de couches de peinture, des sculptures et des vitraux qui font partie de la légende du lieu, sachant que ce dernier oscillait, dès l’origine, entre Art déco et Art nouveau. Un véritable travail d’orfèvrerie afin de changer le décor tout en gardant son esprit.

La structure du bâtiment a dû être renforcée afin de pouvoir porter les pièces en marbre des salles de bains.
La structure du bâtiment a dû être renforcée afin de pouvoir porter les pièces en marbre des salles de bains. Mathieu Fiol

« Nous avons découvert le travail magnifique d’ornementation réalisé sur les fenêtres, les corniches et les balustres, reprend Jean-Michel Wilmotte. C’est comme si nous avions retrouvé un morceau de l’histoire du bâtiment de 1910. Le reste, nous l’avons inventé. » Il est donc magique de redécouvrir, dans le Bar Joséphine (autrefois salon Borghèse), la fresque du peintre et décorateur français Adrien Karbowsky (1855-1945), dont la restauration a été assurée par l’Atelier de Ricou. Dix-sept mille heures de travail… « C’est l’artiste qui me touche le plus, avoue l’architecte Alain-Charles Perrot. Ses fresques ont créé la vie, ramené la nature, les oiseaux. Tout ce qui anime les salons et crée une continuité entre les ­décors de façade et les intérieurs. »

Sept mètres ont été creusés sous l’édifice afin de construire un spa de 700 m2 avec piscine.
Sept mètres ont été creusés sous l’édifice afin de construire un spa de 700 m2 avec piscine. Mathieu Fiol

Même spectaculaire remise en lumière pour les vitraux, assurée par les Ateliers Duchemin, selon une technique qui remonte au Moyen Âge. Et surtout pour les frises et les bas-reliefs de la galerie du rez-de-chaussée. Comme à l’époque de sa création, on a commandé des œuvres spécifiquement pour l’hôtel à des artistes d’aujourd’hui, comme Fabrice Hyber, qui a réalisé la peinture onirique sur la verrière de style Eiffel du Saint-Germain, ou encore Jean Le Gac, qui raconte cent ans d’Histoire sur les fresques qui habillent les colonnes de la brasserie.

Dans les chambres, les revêtements muraux en bois ont été réalisés sur mesure par la société Lema.
Dans les chambres, les revêtements muraux en bois ont été réalisés sur mesure par la société Lema. Lema

Autre point fort de la rénovation, les matières, dont le bois, et tout particulièrement l’eucalyptus, qui habille les espaces de circulation. Mais également le marbre de Calacatta pour les salles de bains et le bronze pour les chambres, dont le nombre est passé de 233 à 184, avec 47 suites, dont sept labellisées « Signature ». Dans ces chambres dont les revêtements muraux ont été réalisés sur mesure par la société Lema, c’est le bleu marine, la couleur fétiche de Jean-Michel Wilmotte, qui prédomine. Enfin, comme palace (appellation que l’hôtel obtiendra probablement très vite) rime aujourd’hui avec bien-être, un spa Akasha et une piscine en marbre ont été créés au sous-sol, éclairé par un puits de lumière naturelle, celle de Saint-Germain-des-Prés…

> Lutetia. 45, boulevard Raspail, 75006 Paris. Tél. : 01 49 54 46 00. 

La piscine au sous-sol est baignée de lumière naturelle…
La piscine au sous-sol est baignée de lumière naturelle… Mathieu Fiol