Avec une cinquantaine de projets présentés, l’exposition cherche à définir les principes qui ont imposé Tadao Ando comme l’une des figures majeures de l’architecture contemporaine. Lauréat du Pritzker Prize en 1995, l’architecte japonais a signé plus de 300 réalisations à travers le globe, des construction modestes ou à l’échelle du paysage mais toujours nées du même concept : « Pour Tadao Ando, l’architecture n’est pas un objet mais un dispositif qui permet de retrouver un rapport au corps, au temps et à la lumière », analyse Frédéric Migayrou, directeur adjoint du musée national d’Art moderne et commissaire de l’exposition.
Jamais exposés en Europe, les photographies et les dessins de l’architecte témoignent de cette vision singulière, privilégiant l’expérience à l’espace, dès le début du parcours. Ses croquis de voyages, réalisés en 1965 alors qu’il vient d’abandonner sa carrière de boxeur professionnel, mettent déjà l’accent sur la lumière tandis que les maquettes des fameuses Guerilla House préfigurent le vocabulaire de ses futures architectures. Un langage composé de volumes géométriques simples, tels les colonnades et parois, qui rythment la scénographie de l’exposition, forcément imaginée par le maître…
Exacerbée par l’usage du béton lisse, la sobriété de ces « formes primitives » se décline dans des projets d’ampleur urbaine à partir des années 1990. Notamment au sein de la résidence Rokko, un vaste programme échelonné sur quinze ans, où Tadao Ando introduit « des espaces interstitiels inspirés par les places européennes ou les circulations partagées des médinas. Des espaces qui permettent de faire vivre l’architecture mais totalement absents dans les projets qui naissent à l’époque au Japon », souligne Frédéric Migayrou.
Influencée par la culture shintoïste, l’importance qu’il consacre au vide devient l’élément récurrent de ses projets, à l’image des temples et églises où les éléments naturels constituent les matières premières de l’architecture. Ici représentées par de sublimes maquettes en bois et en béton, l’Église sur l’eau et l’Église de la lumière assoient définitivement sa réputation internationale et lui permettent d’accéder à des projets d’échelles pharaoniques, comme le complexe Dawaji-Yumebutai, agrémenté d’un damier de 100 jardins pour façonner un parcours initiatique à l’échelle du paysage.
Au cœur de l’exposition, un espace dédié à l’île de Naoshima illustre à la perfection sa considération pour le contexte et le territoire de ses réalisations. Depuis 1987, Tadao Ando y a développé une série de musées qui ont profondément remodelé la topographie du site, créant une synthèse absolue entre architecture, nature et art contemporain. Présent lors de notre visite, l’architecte considère d’ailleurs ce dernier comme « un guide vers le futur ». Une source d’inspiration qu’il ne cesse pourtant de mettre en scène dans des lieux historiques, réunis dans la dernière section du parcours.
A coté des maquettes de la Pointe de la Douane et de son projet avorté pour l’extension de la Tate Modern à Londres, l’architecte en profite pour nous décrire la transformation actuelle de la Bourse du Commerce, proche du Centre Pompidou : « Mon idée était de construire un cylindre qui dessine un nouvel univers et fasse naître un dialogue entre l’ancien et le nouveau. » Agé de 77 ans, il a absolument tenu à réaliser le futur musée de François Pinault dans la capitale. Et ce malgré les rumeurs sur son état de santé : « On m’a enterré plusieurs fois mais je compte bien vivre jusqu’à 100 ans ! » On lui souhaite cette longévité !
> Exposition « Tadao Ando, Le Défi ». Au Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris. Jusqu’au 31 décembre 2018.