Laplace, pour Luis Laplace, un nom prédisposé. En 2004, l’architecte argentin s’est posé à Paris et a créé avec Christophe Comoy, avocat de formation, une agence d’architecture qui se distingue autant par la construction de bâtiments que par l’aménagement d’espaces, voire la réalisation de meubles. Dans les étages d’un immeuble qui borde la place Saint-Georges, à Paris, le duo anime une équipe d’une quinzaine d’architectes, designers, architectes d’intérieur…
La vue imprenable sur la placette circulaire, typique du IXe arrondissement autant que le cadre bourgeois de l’appartement haussmannien occupé par l’agence traduisent à la perfection cette dynamique d’un Paris culturel qui a tant séduit l’architecte. « Au départ, j’ai suivi Christophe qui avait un attachement très fort à cette ville et souhaitait revenir y vivre. J’ai découvert que Paris n’a que peu d’équivalents pour la qualité de vie, la grande diversité des antiquaires, quels que soient la période ou le style présentés, ainsi que celle des artisans avec lesquels on peut travailler. Il existe ici une dimension culturelle très importante dans les échanges, qui dépasse de loin le rapport à l’argent auquel on peut se heurter dans des villes comme Londres ou New York », confie Luis Laplace.
Très rapidement, l’agence se forge un nom dans la sphère de l’art contemporain, réalisant des projets exclusifs pour des collectionneurs, des artistes ou des galeristes. Des projets dans lesquels, à chaque fois, l’architecture n’entre pas en conflit – visuel – avec l’art, mais s’impose en le magnifiant. Depuis son plus jeune âge, Luis Laplace a tissé des liens très étroits avec la création artistique mais a eu besoin de quelques rencontres pour tracer son propre chemin. « Je suis né à Buenos Aires dans une famille d’artistes, peintres, écrivains et artisans d’art. Ma première émotion artistique, très personnelle, je l’ai eue à l’adolescence en découvrant dans le capharnaüm d’une librairie un livre du photographe Robert Mappelthorpe où figurait ce fameux portrait de Louise Bourgeois », se remémore l’Argentin.
Après des études d’architecture dans sa ville natale, il s’envole pour New York et saisit l’opportunité de travailler dans l’agence de l’architecte allemande Annabelle Selldorf. Là, sa passion pour l’art s’accélère autant qu’elle s’affine, à mesure qu’il s’attèle à des projets ambitieux, notamment pour des collectionneurs dont les œuvres pourraient rivaliser avec celles des fonds muséaux. « C’est une chose d’acheter de l’art pour soi, c’en est une autre d’agencer des œuvres acquises par d’autres. Il faut savoir mettre son ego de côté. » Aussi l’Argentin développe-t-il un don certain pour mettre en scène des pièces artistiques dans un contexte donné, sans pour autant chercher à imprimer un style ou une écriture formelle immédiatement identifiable.
« Ma réflexion sur un projet démarre toujours par une observation attentive du contexte, que ce soit pour une construction ou une réhabilitation, puis se poursuit par un important travail d’échanges avec le commanditaire. Ainsi, je cherche à dégager les besoins réels, à définir le champ d’action et, bien sûr, à m’imprégner de la collection d’œuvres avec laquelle la personne va vivre au quotidien. » Si bien qu’un projet de chalet à la montagne, une villa de bord de mer, l’appartement parisien d’une artiste, comme celui de la photographe Cindy Sherman, ou encore la dépendance campagnarde de la galerie Hauser & Wirth, dans le Somerset, n’offriront pas du tout à leurs propriétaires la même expérience, ni les mêmes signes formels. Le trait commun se traduira peut-être par une simplicité des dessins, une certaine retenue des formes… propice à résister à l’épreuve du temps. « Si après la livraison du projet, on est réinvité à dîner, c’est plutôt bon signe », ironise l’architecte.
Si l’agence ne cesse d’étoffer son carnet d’adresses par l’effet du bouche-à-oreille, plusieurs clients suivent Laplace depuis ses débuts parisiens, n’hésitant pas à confier à l’agence leurs différentes propriétés. L’une des forces du duo est aussi d’avoir su affirmer sans complexes son approche hyper-fonctionnelle, qui échappe à toute tentation « cosmétique ». « Oui, on peut faire de la déco, mais on agit comme des architectes dont la fonction première est d’apporter des solutions pragmatiques et usuelles. Encore une fois, notre mission est d’être au service de l’art pour qu’il soit présenté de la meilleure manière qui soit. Ce qui explique que le programme sera très différent selon qu’il s’agit d’un habitat privé ou d’un lieu d’exposition public. »
Loin d’être gêné d’évoluer majoritairement dans le domaine de l’art, le duo se défend, de la même manière, d’être souvent cantonné à ce répertoire : « Dans toute pratique créative, on aime ranger les gens dans des cases, car cela rassure. Mais nous pouvons tout à fait réaliser un restaurant, comme cela a été le cas à Morelia (Mexique), ou une auberge de six chambres, comme Durslade Farmhouse, dans le Somerset (Angleterre). Même si le commanditaire était la galerie Hauser & Wirth, il n’était pas question ici d’imaginer un lieu contemporain, mais bel et bien de recréer une auberge de campagne à la manière d’un cottage anglais. »
Aussi, parallèlement à l’activité d’architecture, Laplace s’est lancée dans la conception de pièces de mobilier sous l’intitulé « Laplace Bespoke ». Dans un showroom attenant au studio, on découvre des objets créés sur mesure pour des projets d’aménagement et produits à la demande. Mais aussi des meubles plus ou moins anciens, mais surtout uniques, que Luis et Christophe ont achetés pour l’originalité de leur dessin et dont ils ont parfois modifié certains éléments pour leur offrir une nouvelle fonctionnalité ou bien les ramener dans un registre plus actuel. Si les solutions préconisées par Luis Laplace jouent plutôt la carte de l’épure, l’homme n’est en rien minimaliste. Il aime le mélange des genres et des époques qui vont permettre de créer des univers inédits… mais toujours avec cette justesse qui demeure l’apanage de l’élégance atemporelle.
> Laplace. 32, place Saint-Georges 75009 Paris. Tél. : 01 53 16 12 96.