Jusque dans les années 90, la ville d’Eindhoven était surtout connue, à l’étranger, pour son club de foot, le PSV Eindhoven, et pour la célèbre entreprise de matériel électrique, Philips, qui y a été fondée en 1891. Si les férus de ballon rond continuent de chérir cette ville des Pays-Bas, les amateurs de design se sont depuis joints à eux.
Et pour cause, la Design Academy Eindhoven, une école de design créée en 1947, s’est avec le temps bâti une extraordinaire renommée, fruit de l’arrivée d’une nouvelle équipe avec Li Edelkoort à sa tête au tournant des années 2000. Paradoxalement, c’est à la même période que l’équipementier électrique a choisi de délocaliser son siège à Amsterdam. De jeunes designers du monde entier viennent désormais se former à Eindhoven. Bien souvent, néanmoins, ils en repartent une fois leur cursus terminé. Ce n’est pas le cas de Piet Hein Eek, originaire d’Amsterdam, qui a trouvé ici un formidable contexte et des moyens pour réaliser ses projets. « Il faut bien comprendre que Philips avait suscité l’implantation de très nombreux fournisseurs alentour. L’agglomération d’Eindhoven était alors le centre névralgique de la production industrielle aux Pays-Bas », résume le designer sorti de l’académie en 1990.
À 50 ans, Piet Hein Eek est aujourd’hui l’un des meilleurs représentants de la philosophie prônée par la Design Academy Eindhoven : l’esprit du recyclage par une réinterprétation des matériaux, des formes ainsi que des idées… Son mobilier en bois issu de maisons vouées à la démolition, recouvert d’une épaisse couche de vernis ne cachant néanmoins pas les irrégularités de la pièce, est devenu une icône de ce design néerlandais qui a déferlé dans les manifestations autour des années 2000. Et la logique du scrapwood, qui mêle rusticité et sophistication, Piet Hein Eek va l’appliquer à d’autres matériaux : céramique, verre, métal, plastique… « Très tôt, j’ai compris que ce qui m’intéressait était de pouvoir réaliser moi-même les objets que j’avais en tête », dit-il.
Au sortir de l’école, il endosse immédiatement son statut de designer/entrepreneur/producteur et crée sa propre structure. En 2010, il voit les choses en grand et saisit l’opportunité de s’installer dans un ancien complexe de fabrication de Philips, le Strijp R. Le site, alors abandonné et en passe d’être repris par des promoteurs immobiliers, s’étend sur près de trois hectares. Le designer en acquiert un peu moins d’un tiers pour établir, mais surtout accroître, ses activités. « La surface pouvait sembler énorme, mais avec le recul, l’échelle était la bonne pour aller là où je voulais », affirme-t-il sans sourciller.
Aujourd’hui, Piet Hein Eek est parvenu à mettre en place un dispositif pour le moins inédit : un complexe qui transpire le design et où se côtoient différentes activités. On accède à cette factory par une rue autour de laquelle se déploient deux longs corps de bâtiment, témoins de l’époque Philips, tandis que l’on distingue à l’extrémité un ancien quai de déchargement recouvert d’une structure « façon Jean Prouvé ». D’un côté de la chaussée sont regroupés une dizaine de studios sont loués par de jeunes designers, un auditorium, des lieux de stockage et un restaurant aux mensurations hors norme.