Bien que son studio soit installé à Paris depuis le début des années 1990, Renzo Piano à toujours conservé un lien affectif profond avec Gênes, la ville où il a grandi. Une succursale de son agence y est toujours implantée et, de conférence en interview, il rappelle avec constance comment son enfance passée sur les chantiers de la ville avec son père ingénieur en travaux publics à façonné sa vocation : « C’était comme de grandir dans un cirque, on y devient acrobate par nécessité… »
Forcément touché en plein cœur par le drame du pont Morandi qui, à ce jour a fait 43 victimes et laissé Gênes écartelée, il vient de proposer ses services pour reconstruire l’ouvrage d’art, afin que ce chantier se transforme en « un moment positif d’unité et de coopération ». Une allusion à peine voilée aux polémiques politiciennes et autres récupérations haineuses qui ont fait suite à ce drame. « En Italie, je fais partie des sénateurs à vie depuis 2013 et il est de mon devoir de m’occuper de ce désastre », vient-il de déclarer à nos confrères britanniques de l’Observer.
Inutile pour lui de critiquer le concepteur du pont : « Morandi était un grand ingénieur, il n’y a pas de doute de ce côté-là. Il a conçu quelque chose d’audacieux, malin, mais, bien sûr, de fragile. Fragile au sens où la beauté est fragile… Cet ouvrage nécessitait un niveau extrêmement haut d’attention durant sa vie… » Son créateur l’avait d’ailleurs rappelé publiquement dès 1979 en pointant le rôle de l’air marin et de la pollution dans le développement de la rouille des structures du pont. « Quand on construit un ouvrage complexe, il faut que les personnes chargées de son entretien soient aussi futées que son architecte, que ces personnes adoptent un état d’esprit rigoureusement scientifique », pointe Renzo Piano.
S’il est évidemment trop tôt pour évoquer la forme que prendra le futur pont, l’architecte du Centre Pompidou à déclaré : « Une chose est sûre, il devra être magnifique, pas forcément en termes esthétiques, mais il devra véhiculer un message de vérité et de fierté. Ce pont devra témoigner du drame mais aussi ménager un bel accès à la ville. » Car le pont Morandi était essentiel au bon fonctionnement de Gênes, en reliant l’est et l’ouest de la ville, mais aussi la Lombardie et le Piémont avec la Ligurie et la frontière française. Et de conclure : « Un pont est un symbole et il ne devrait jamais s’effondrer car quand un pont disparaît, un mur s’élève. […] Les murs sont mauvais, nous ne devrions pas en construire, au contraire des ponts, qui créent des connexions. »