Ce Cactus Painting, triptyque monumental révélant trois carrés aux dominantes rouges et vertes, s’inspire d’une peinture iconique de Josef Albers, Homage to the Square (1956). Féministe, Ghada Amer, née au Liban en 1963, élevée en France et installée à New York, l’est assurément. Elle le revendique notamment à travers des peintures brodées, plus proches cependant de l’action painting de Pollock que des œuvres cousues de Louise Bourgeois ou d’Annette Messager, même si le titre de cette exposition, « Dark Continent » – en référence au texte de Freud dans lequel il avouait sa méconnaissance de la psychologie féminine –, s’apparente à celui choisi par Messager en 2012, « Continents noirs » (musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg).
Souvent abstraits, certains de ces réseaux de fils laissent aussi affleurer des corps de femmes – puisés dans l’iconographie des magazines pornographiques –, sous des citations féministes comme celles de l’écrivaine égyptienne Nawal el Saadawi : « La femme révolutionnaire meurt en solitaire, jamais en héros… » 2009 marque un tournant pour Ghada Amer : « J’ai compris, cette année-là, comment manipuler les fils pour qu’ils fassent de la peinture. Je maîtrisais enfin ce travail sur la broderie entamé en 1991. » Il était temps d’expérimenter, de travailler un autre médium : ce sera la céramique (prochainement exposée à Dallas), puis le papier froissé, l’aluminium et le laiton chromé.
Au CCCOD sont sobrement présentés quelques-uns de ces prototypes : ils délaissent les discours féministes pour d’autres, plus politiques, à l’instar de la sculpture de Mickey – créée après l’élection de Donald Trump à la présidence – et empruntée à une photographie de Reza Farkhondeh avec lequel elle signe plusieurs tableaux sous l’acronyme RFGA. Première exposition monographique de Ghada Amer dans l’Hexagone depuis dix-huit ans, « Dark Continent » est à voir absolument.
Ghada Amer. « Dark continent » jusqu’au 4 novembre au CCCOD, jardin François-1er, Tours. Tél. : 02 47 66 50 00.