Architecte de formation, vous avez davantage bâti des identités de marque que des projets d’architecture. Racontez-nous ce métier de l’ombre…
Antoine Ricardou : Lorsque je suis parti en Australie pour effectuer ma cinquième année d’école d’architecture dans le cadre d’un programme d’échange, j’étais déjà porté sur le dessin. Je m’attachais à réaliser de beaux croquis et je fignolais les détails. Là-bas, j’ai découvert que les designers industriels, les paysagistes, les architectes et les designers graphiques étudiaient sur le même campus, contrairement à Paris, où tout était cloisonné. J’ai alors suivi un master en design et communication en parallèle de mes cours d’architecture. Dès les débuts de Be-pôles, en 2000, nous avons multiplié, avec mon associée, Clémentine Larroumet, des projets de design graphique et de construction de marques. C’est l’hôtel NoMad de New York, qui nous a ramenés vers l’architecture d’intérieur. Et, ensuite, Valéry Grégo m’a appelé pour son hôtel parisien Le Pigalle. Nous avons alors intensifié notre niveau d’intervention. Nous avons chiné des objets, aidé Valéry à écrire sa signature et à composer son gang créatif. Deux ans ont été nécessaires pour monter Le Pigalle, qui a vu le jour en 2015.
La collaboration avec Merci a aussi été une étape importante pour vous. C’est là que vous vous êtes fait un nom et que votre célèbre Sac en papier est né ?
Le travail avec Merci et la famille Cohen (à l’origine du projet, après avoir créé puis vendu la marque pour enfants Bonpoint, NDLR) a été passionnant. Marie-France Cohen nous a fait des cours d’emballage dans sa cuisine et nous avons posé ensemble l’identité de la marque et les univers de la boutique : le fleuriste, la quincaillerie, ces vieux métiers qu’elle voulait remettre au goût du jour. Nous sommes venus avec nos sacs en papier, que nous avions développés plus tôt pour emballer les projets que nous envoyions par coursier à nos clients. Ce sac, né sans aucune arrière-pensée commerciale, est désormais un objet que nous vendons. Il est aussi l’ambassadeur de notre philosophie. Nous qui sommes des fonctionnalistes, nous ne faisons rien qui n’ait un rôle, une légitimité. Ici, le sac existe pour une fonction qui est écrite dessus.
L’autre projet qui n’avait au départ aucune vocation commerciale, c’est la collection de livres « Portraits de villes » que nous offrions à nos clients… à la place de chocolats. C’est très facile de donner des conseils comme nous le faisons toute l’année, mais développer ses propres collections rend humble. Cela nous permet de nous mettre dans la peau de nos clients et de comprendre leurs difficultés.
Vous revenez même à l’architecture avec La.Salle.de.Sport à Paris, un hôtel dans les Yvelines et une brasserie à l’hippodrome de Longchamp…
Ces projets sont nouveaux pour nous. Que ce soit, en septembre dernier, La.Salle.de.Sport pour Reebok, la Brasserie de Longchamp en juin ou l’hôtel Le Barn en forêt de Rambouillet, nous avons tout dessiné, du logo aux différents espaces.
Mais je ne veux pas réaliser tous les projets d’architecture que nos clients nous demandent, car notre écriture ne fonctionne que pour certains, qui respectent une sorte d’économie de moyens. Au Barn, j’avais trois hangars à rénover dans un haras. Si le propriétaire m’avait réclamé un lieu à l’esprit très déco, nous serions allés chercher quelqu’un comme Jacques Garcia !