Un cercueil en guise de malle fourre-tout, un corbeau naturalisé victorien, des poupées en plastique vieilli sagement assises côté à côte, la Vierge trônant dans les sanitaires… Pousser la porte de l’étrange galerie dans laquelle vit Hervé, c’est comme entrer dans l’univers fantasmagorique d’Alice au pays des merveilles, version Lord of Barbès.
« Je suis l’unique lord de Barbès. Je travaille et dors dans ma boutique, au milieu de mes objets et de mes bouteilles de gin. » À mi-chemin entre le magasin et le cabinet de curiosités, l’espace qu’occupent Hervé et sa collection de flacons se situe à Paris, au 64, rue de Clignancourt, à l’angle de la rue Labat. Construit en 1900, l’immeuble revêt une façade qui garde les traces d’un vieux Paris, charmant et authentique, qu’Hervé a pris grand soin de ne pas altérer : « Quand je rentre dans un lieu, je cherche toujours à le comprendre. Et s’il a été modifié, je reviens au plan initial. » Il n’a entrepris que de menus travaux, lesquels étaient destinés à « retrouver le volume assez exceptionnel de l’endroit, dont les plafonds culminent à cinq mètres ».
Des ouvertures permettent à la lumière d’inonder les espaces, optimisés grâce au blanc des murs, tandis que les quelques surfaces peintes en violet créent une atmosphère dans laquelle le visiteur s’enroule. Hervé a choisi le violet en référence à « la couleur de Silk Cut, une marque anglaise de cigarettes », dont il admirait les publicités, et le couple noir-blanc est son favori. Ses incroyables objets, le Lord of Barbès les trouve un peu partout : « Sur eBay, Le Bon Coin, aux puces… Certains ont été achetés lors de mes voyages. Parfois, des gens du quartier me donnent des choses dont ils ne veulent plus. Ils aiment bien ma boutique car ce n’est pas seulement un magasin qui vend du gin. C’est aussi un piège à filles, dégustation de gin et plus si affinités… », ironise-t-il.
Des artefacts vintage peuplent l’immense volume de l’enseigne de spiritueux et tendent à inspirer chaque jour son propriétaire : « J’aime surtout les objets anciens parce qu’ils sont rares et bien fabriqués. J’aime les toucher, les regarder. Ils font partie de moi et ils me survivront. » Lorsqu’il choisit d’installer un crâne d’animal à côté d’un bocal plein d’un contenu indéfinissable ou de transformer des caisses de bouteilles violettes en un sympathique luminaire, Hervé s’amuse comme un grand enfant : « Je ne cherche pas à raconter quoi que ce soit, chacun peut imaginer ce qu’il veut face à ces objets. Je réunis des éléments qui vivent ensemble. »
Un peu fou, très décalé et complètement fascinant, Hervé ne fait pas partie des introvertis ni des calmes, surtout pas dans sa vie professionnelle. Le jour, il est directeur artistique, producteur de films d’animation pour Hermès et producteur de gin. Le soir venu, il devient « veilleur de nuit de bouteilles ». Pousser la porte de l’étrange boutique du Lord of Barbès puis entrer dans la pièce principale, c’est laisser son regard se perdre dans les détails, rebondir sur l’un pour s’attarder sur un autre… un verre de gin-tonic à la main. Plus bizarre que délicieux, le monde d’Hervé transporte et surprend, à la manière d’un cadavre exquis…