Begüm Cânâ Özgür, designer de 29 ans basée à Istanbul, a d’abord étudié l’architecture d’intérieur avant de décrocher un master en design de produit à la Cranbrook Academy of Art de Bloomfield Hills, dans le Michigan, considéré comme le Bauhaus de l’Amérique.
Dès les années 40, les grands noms du design y ont enseigné comme Eliel Saarinen ou les Eames. Quant à Florence Knoll, elle y fut étudiante. À force de tisser et de teinter – les étudiants disposent là-bas d’un atelier complet –, la jeune Turque s’est petit à petit passionnée pour le textile. « Parmi tous les matériaux étudiés en première année, comme le bois ou la céramique, le textile était mon préféré. La devise était un peu : fais les choses et pense-les après », se souvient-elle. En 2015, Nani Marquina découvre à New York le travail de la jeune femme lors d’une exposition consacrée aux jeunes designers. Enrichie de techniques traditionnelles apprises en Anatolie, Begüm avait alors déjà autoproduit ses premiers tapis… qui sont devenus, un an plus tard, la collection « Shade » éditée par le spécialiste espagnol.
C’est simple, le tapis homonyme est aussi beau et lisible qu’un coucher de soleil. Il passe de l’orangé au bleu en distillant progressivement ce dégradé de couleurs. Quelques modifications ont été apportées par Nanimarquina (les tissages du label se font en Inde et au Pakistan) pour rendre le modèle plus épais – à l’aide d’une laine de Nouvelle-Zélande – et affiner la gradation de la couleur.
Les tisseuses ne suivent aucun dessin, mais des indications au fil près, avec en main au moins cinq fils différents rien que pour le bleu. Chaque mètre carré compte 75 000 nœuds ! Finalement, le tapis évoque, se dit-on, une toile de Rothko. « La couleur va droit au cœur », conclut la designer. Ses quatre modèles de symphonies de couleurs suggèrent un léger air de patine. Begüm s’impose comme la designer du subtil, confirmant ainsi une nouvelle orientation stylistique pour Nanimarquina.
> Collection « Shade » (Nanimarquina), de 1 700 € à 2 300 €.