Architecte, designer, scénographe, illustratrice, rédactrice… Malgré une carrière incroyablement riche, Lina Bo Bardi a été longtemps ignorée de la critique et méconnue du grand public. Au croisement des disciplines et des mouvements artistiques du XXe siècle, son héritage ressurgit néanmoins au grand jour depuis quelques années. Célébrée en 2010 par Kazuyo Sejima lors de la biennale de Venise ou plus récemment par la galerie Nilufar lors du Salon de Milan, sa contribution à l’architecture et au design du XXe semble enfin accéder à une reconnaissance méritée.
Entre innovation et tradition, sa prolifique carrière débute chez Gio Ponti, après des études d’architecture à l’université de Rome. Native de la ville, elle quitte finalement l’Italie pour le Brésil en 1946 afin d’échapper à la morosité de la période suivant la Seconde Guerre mondiale. A Rio de Janeiro, revigorée pars la végétation luxuriante et les immeubles modernistes qui l’entourent, elle jette les bases d’une réflexion encore inédite, alliant les principes du rationalisme européen à la culture vernaculaire brésilienne.
Associée à Giancarlo Palenti, avec qui elle signe la plupart de ses pièces de mobilier, elle fonde en 1948 le studio d’Arte Palma, consacré au design et l’architecture intérieure. A la fois concepteurs et fabricants, ils commencent par produire le fauteuil Três Pés, une structure tubulaire dans la lignée des pièces de Mies Van Der Rohe ou Marcel Breuer, mais couplée à la souplesse d’une assise qui s’inspire des hamacs d’Amérique latine.
Une influence locale qui s’exprime également à travers l’usage du bois. Issues des forêts voisines, les essences prennent des formes aussi structurelles que sculpturales, qu’il s’agisse de soutenir un bureau ou de faire léviter le dossier du fauteuil Balanço. Idem avec le cuir et le métal des fauteuils Bowl et Latäo, spécialement dessinés pour meubler sa résidence de São Paulo qu’elle achève en 1951.
Surnommée « la Maison de verre », cette bâtisse est un véritable manifeste d’architecture fonctionnelle. A ceci près qu’elle échappe aux travers de la standardisation en s’articulant autour d’un arbre existant. Une priorité donnée au contexte, déclinée six ans plus tard pour la construction du MASP (Museum of Art of São Paulo), cette fois surélevé pour dégager une place et une perspective vers le parc qui lui fait face.
Achevé en 1968, le musée a droit à un mobilier sur-mesure, des espaces d’exposition à l’auditorium, avec des chevalets en verre et béton et des chaises pliantes dérivées de celles utilisées par les cirques. Une conception jusque dans les moindres détails, encore exacerbée au Sesc Pompéia, un centre sportif et culturel aux accents brutalistes, dont Lina Bo Bardi va jusqu’à créer les menus de la cérémonie d’ouverture, et cela après avoir imaginé la signalétique et les uniformes du personnel.
Comptant parmi les femmes architectes ayant le plus construit au XXe siècle, Lina Bo Bardi revient aujourd’hui sur le devant de la scène par l’intermédiaire de son mobilier. D’abord présentée à Milan par la galerie Nilufar, la plus grande sélection de pièces jamais rassemblées s’expose actuellement à Bâle, à l’occasion de Miami/Art Basel.
Exposition « Lina Bo Bardi Giancarlo Palanti – Studio d_Arte Palma 1948-1951 », présentée à Art Basel/Design Miami, jusqu’au 17 juin 2018.
Hall 1 Süd, Messe Basel, 4058 Bâle (Suisse).