La désignation du commissariat pour le pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise fait, depuis 2015, l’objet d’un appel à candidatures organisé par le ministère de la Culture et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Pourquoi avoir tenté votre chance ?
Encore heureux : Plusieurs raisons nous ont amenés à candidater. D’abord, le thème proposé par Yvonne Farrell et Shelley McNamara, commissaires générales de cette 16e Biennale : « Freespace ». Un thème certes consensuel, mais très ouvert dans l’interprétation qu’il est possible d’en faire. Nous avons participé en 2017 à un événement organisé par Yes We Camp aux Grands Voisins (projet d’occupation temporaire du site de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, jusqu’en 2020, NDLR), qui rassemblait différents acteurs autour des questions d’urbanisme transitoire et d’occupation temporaire. Nous nous sommes ainsi rendus compte qu’Encore Heureux se situait à l’interface de deux mondes : celui des architectes français installés, plus ou moins jeunes, et celui de tous ces collectifs d’architectes qui ne font pas de maîtrise d’œuvre mais de l’accompagnement, de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, de la recherche…
Pourquoi avez-vous choisi ces dix lieux que vous invitez à Venise dans le pavillon français ?
Parce que nous avons l’intuition que de véritables alternatives constructives y sont à l’œuvre et qu’elles méritent d’être partagées et débattues. Parce qu’ils mélangent les notions de public, de privé, d’associatif, de vaste, de réduit, d’ancien, de futur, de confirmé, de fragile, de très urbain, de périphérique ou de rural. Parce que nous souhaitons les interroger, les comprendre et les présenter. Cet ensemble est un espace de confrontation où chaque lieu questionne les autres en révélant ses richesses, ses problématiques et ses singularités. Le Centquatre-Paris, nous le vivons au quotidien parce que notre agence y est installée. Nous sommes également directement impliqués à l’Hôtel Pasteur de Rennes, aux Ateliers Médicis de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, et à la Grande Halle de Colombelles. Il ne s’agit pas de montrer nos projets mais, en tant que maîtres d’œuvre de ces lieux, nous faisons partie de leur histoire et nous pouvons la relater. Les autres nous ont inspirés. Nous avions travaillé à La Friche la Belle de Mai, à Marseille, et nous aimons l’approche de La Ferme du bonheur, à Nanterre. Quant au Tri Postal, à Avignon, il était à l’arrêt et il nous semblait également intéressant de montrer des projets en difficulté pour voir s’il était possible de les réactiver grâce à un événement tel que la Biennale d’architecture de Venise. Nous ne prétendons pas montrer dix exemples parfaits, certains ont des failles, mais nous proposons plutôt de regarder ensemble ce qu’il s’y passe.
À travers ces lieux, quels messages souhaitez-vous porter ?
Ce sont des exemples ou des modèles non pas à répéter mais plutôt à observer, partager, analyser, pour nous aider à penser les bâtiments, la ville et le métier d’architecte de demain. Notre but est de questionner l’architecture, de bousculer les maîtres d’œuvre dans leur éternelle complainte, de dire qu’il y a des choses incroyables à inventer mais qu’il faut y passer du temps, que tout ça ne se fait pas en un claquement de doigts. Il faut dépasser le constat et être prospectifs. Car, aujourd’hui plus que jamais, les architectes ne peuvent se dérober à la responsabilité du monde qui advient, et donc à la nécessité d’imaginer ce qui, demain, doit exister.
Pourquoi avoir choisi le titre « Lieux infinis » ?
Nous en sommes très contents car il porte beaucoup de choses, l’infini, le non-fini, ou comment l’architecture doit accompagner et non pas mettre un point final, ce qui est une de nos convictions fortes. L’inauguration marque le commencement et non la fin. Dans la garantie de parfait achèvement (GPA) qui court pendant un an après la réception d’un chantier, le mot « achèvement » me désole ! Notre métier, c’est justement de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’achèvement, que le bâtiment livré ait une suite, que des gens le reprennent à leur compte, l’investissent. D’où le sous-titre de notre exposition : « Construire des bâtiments ou des lieux ? ».
L’intégralité de cet entretien est à découvrir dans le prochain IDEAT spécial Architecture, en kiosque le 8 juin.
Exposition « Lieux infinis », à la 16e Biennale d’architecture de Venise, du 26 mai au 25 novembre 2018.