Elle carbure à l’utopie, San Francisco. C’est la cité des chercheurs d’or, Jack London en tête, qui commençaient ou finissaient là leur propre conquête de l’Ouest. C’est la patrie des beatniks des années 50, des hippies des sixties et des rêveurs de tous temps. C’est la capitale des mouvements gay, elle qui n’a jamais mégoté sur la tolérance ni sur la liberté. San Francisco, c’est aujourd’hui l’eldorado des nouvelles technologies vers lequel convergent des armadas de geeks surdoués : depuis la Silicon Valley, sise à trente minutes de voiture de là mais se rapprochant toujours plus, ils façonnent les mondes de demain et d’après-demain. Il flotte ici un parfum d’optimisme et de terre promise.
Pour ne rien gâcher, San Francisco a d’ailleurs tous les attributs d’un éden. On est « en ville » et pourtant, on sillonne les sentiers du parc du Presidio, dont les effluves iodés vous enivrent, on surfe sur les déferlantes de Baker Beach et on gravit les Twin Peaks, superbes « pics jumeaux », pour admirer, saisissant spectacle, le brouillard qui avale la ville en fin de journée. Une ville, peut-être, mais alors très bien gâtée par la nature ! Quant à son architecture, tout à fait à l’unisson de ces splendeurs, elle ne s’autorise de gratte-ciel que dans son Financial District et ne donne que dans le très mignon. « C’est une maison bleue, adossée à la colline… » chantait Maxime Le Forestier en préambule de son San Francisco. Bleues, oui, mais aussi pêche, lavande, pistache… les façades d’ici jouent les coquettes.
Une colline, oui, et puis des dizaines d’autres que l’on grimpe par cable car, le mythique tramway local, ou à la force du mollet. On empruntera, noyés sous les conifères et les citronniers, les adorables escaliers de Telegraph Hill avec en ligne de mire la Coit Tower, drôle de cylindre aux élégances Art déco, et l’on dévalera les pentes douces de Pacific Heights où, malgré quelques Porsche qui stationnent devant les bicoques à bow-window, rien n’indique qu’il s’agit là de l’un des quartiers les plus fortunés de Californie.
« Il faut dire qu’à San Francisco, les gens aisés ne sont pas très portés sur le show off », observe la très respectée galeriste Jessica Silverman à propos de sa clientèle, puis taclant au passage la ville rivale du sud : « L’ostentation, laissons-là aux gens de Los Angeles ! » Tout ce beau monde san-franciscain fraie d’ailleurs à la bonne franquette sur les pelouses du Golden Gate Park pour une partie de frisbee, tape quelques balles sur les courts de Lafayette Park ou se donne l’accolade, une botte de betteraves bio sous le bras, dans les allées du Ferry Building, ancien terminal portuaire où se tient un superbe marché de producteurs locaux et où fourmillent les échoppes de street food. Qu’elle vous semble alors paisible, aimable, nonchalamment bourgeoise, cette métropole, très vivable en somme, même si son extrême cherté vous fera souvent tiquer !