Ce fut l’exposition parisienne de l’hiver… « Sophie Calle : beau doublé, monsieur le marquis ! » a attiré les foules dans le cadre suranné du Musée de la Chasse et de la Nature. Entre ours, cerfs et oies naturalisés, l’artiste y dévoilait sa vision de la vie et de la mort. Cette question existentielle irrigue le concept même de cabinet de curiosités, apparu en Europe à la Renaissance. Dans les châteaux et manoirs des esprits éclairés par les Lumières naissantes, une pièce regroupait pierres précieuses, fossiles, animaux empaillés, coquillages, squelettes, herbiers, objets archéologiques et autres raretés…
Tombé en désuétude avec le rationalisme du XXe siècle, le cabinet de curiosités revient aujourd’hui, non plus pour ses qualités scientifiques mais à la faveur de son haut potentiel décoratif. Pour s’immerger dans cette ambiance, il faut absolument se rendre chez Deyrolle.
Professionnelle de la taxidermie et de l’entomologie (la science des insectes), la maison parisienne propose aussi des planches scientifiques pour les écoles depuis ses débuts, en 1831. Une enseigne mythique qui a su évoluer pour se muer en une spécialiste très actuelle du cabinet de curiosités. Outre les animaux, Deyrolle propose de la papeterie, des petits accessoires et vient même d’éditer un livre, source d’inspiration pour tous ceux qui veulent créer chez eux une ambiance joliment intrigante.
Car il suffit de peu pour fabriquer chez soi cet espace inattendu : libérer un dessus de buffet ou de cheminée, voire une étagère, et y poser quelques accessoires magiques, comme une cloche en verre dans laquelle on peut glisser des coquillages ramassés sur la plage, un petit animal naturalisé… ou son squelette.
Au mur, on peut opter pour des papillons épinglés dans des boîtes ou, moins cruel, des planches d’herbiers ; et, pour une inspiration plus lointaine, plus onirique : un pan de papier peint ou de tissu d’ameublement. Imprimé sur un papier fibreux, le modèle Sur le Nil, de Pierre Frey, prend des faux airs de papyrus pour reproduire des scènes de l’Égypte ancienne. Comme un écho aux voyages scientifiques du XIXe siècle.
Pour ceux qui hésitent encore à sauter le pas, il est possible de profiter de cette ambiance étonnante dans divers restaurants et bars comme au No Entry, le speakeasy du Pink Mamma avec ses dizaines de dames-jeannes (bonbonnes de verre) rétroéclairées dans lesquelles infusent fleurs et autres plantes aromatiques. Le phénomène a même donné lieu en novembre dernier à des soirées originales : les « Chambers of The Curious », proposées dans le cadre intimiste de l’Hôtel Particulier, à Montmartre.
Pour l’occasion, l’établissement était redécoré de boîtes crâniennes, de pots d’apothicaires et de reproductions de cerveaux. Au cours de ce « symposium non officiel des savants spécialistes du cerveau humain », les invités se sont livrés à plusieurs expériences mettant en lumière les mystères de notre cervelle tout en sirotant des cocktails. Comme un retour à l’esprit scientifico-mystique des premiers cabinets de curiosités…