Fascinés par les designers de l’après-guerre, les jeunes créateurs se sont longtemps appliqués à reproduire leurs formes, leur palette et leurs imprimés. Puis, au fil des ans, ils ont digéré ces influences pour mieux désacraliser ce style qui s’est propagé dans tous les intérieurs. Du scandinave minimaliste, on est passé à la vaisselle en faïence décorée… et au Formica ! Une fois n’est pas coutume, c’est de la mode qu’est venue cette tendance, et particulièrement d’Alessandro Michele, le créateur de Gucci, qui n’a pas hésité à mélanger dentelles au crochet, fourrure brodée et imprimés Art déco, longs peignoirs soyeux et pattes d’éph’ rétro. Il a libéré cette réappropriation des codes du passé avec humour et un sens certain de la décadence. Un kitsch assumé, codé, qui est devenu emblématique de ces architectes d’intérieur et designers.
Parmi ceux qui ont donné le ton, les créateurs de House of Hackney. La boutique, spécialisée dans les papiers peints et tissus inspirés de l’Angleterre éternelle mais rehaussés d’un twist résolument anticonformiste, s’inspire beaucoup de la nature et des peaux de zèbre et de léopard. Un ornement frontal, excessif et excentrique, revendiqué en France par Pierre Marie. Ce dessinateur, graphiste et directeur artistique, développe depuis quelques années une fantasmagorie à base de couleurs saturées et de motifs foisonnants, qu’il développe dans des carrés et cartes de vœux chez Hermès mais qu’il a aussi appliquée jusque dans son appartement parisien. Ce total look, on s’en inspirera par touches, notamment avec les coussins et tissus sur le thème du ruban que le créateur a développés pour Créations Métaphores.
Une réaction au normcore qui a contaminé toute l’Europe. Réaction que l’on retrouve chez l’italien Moroso, qui fait poser sur ses meubles contemporains des soies baroques signées Rubelli ou des velours cramoisis de Kvadrat pour sa gamme « Setting the Elegance ».
Le kitsch se cache aussi dans certains détails des très désirables milanais de DimoreStudio, ou dans un tapis d’inspiration ouzbek, Blumen de Nathalie Lété pour Tai Ping. Une influence moins frontale, un kitsch très second degré et plus adapté à ceux qui possèdent une culture pointue, pas toujours simple à s’approprier.
Prenons exemple sur le New-Yorkais Jonathan Adler qui mêle pop et baroque pour insuffler de la joie dans les intérieurs. Le décorateur en a fait un livre : My Prescription for Anti-Depressive Living (mon ordonnance pour une vie anti-déprime) ! Il pioche avec bonne humeur dans l’histoire de la déco, de Gio Ponti à Vallauris, et y colle un vernis gold ou bleu californien… Brouillant ainsi les frontières du bon goût.