Pour célébrer la réouverture de la Hayward Gallery à l’occasion de son 50e anniversaire, Andreas Gursky (1955-) investit les lieux sublimement réhabilités par Feilden Clegg Bradley Studios. Les architectes ont transformé et modernisé cette icône brutaliste édifiée en 1968 sur la rive sud de la Tamise, emblématique du patrimoine londonien.
C’est la première rétrospective britannique de cette ampleur consacrée au photographe allemand. L’exposition revient sur quatre décennies de production à travers une soixantaine de photos réparties dans les deux étages de la Hayward Gallery. Des œuvres monumentales et puissantes dans le face-à-face très frontal qu’elles instaurent avec le spectateur.
La star des photographes, née en 1955 à Leipzig et formée à bonne école auprès de Bernd et Hilla Becher à la Kunstakademie de Düsseldorf, le clame haut et fort : « Mes images sont toujours des interprétations des lieux. » Andreas Gursky, ne se contente effectivement pas d’appuyer sur le déclencheur pour capturer le monde qui l’entoure. Il retouche, recompose et transforme la réalité pour mieux la livrer en pâture à nos yeux, souvent ébahis par ces grands formats saisissants.
Pour Andreas Gursky, de réalité objective, il n’est jamais question. « La réalité ne peut être montrée qu’en la construisant, constate-t-il. Paradoxalement, le montage et la manipulation nous amènent plus près de la vérité. » Depuis près de trente ans, il recourt à la post-production numérique qui lui permet de réaliser ses œuvres à partir de plusieurs clichés, comme cette vision transfigurée du circuit international de Formule 1 Bahrain I (2005). « Je ne suis pas intéressé par une vision objective du monde, mais par une vision picturale. »
Poussant le curseur de la fiction toujours plus loin, notamment avec la photo Review (2015) regroupant de dos, Gerhard Schröder, Helmut Schmidt, Angela Merkel et Helmut Kohl, le temps d’une image fantasmée, il nous livre son interprétation du monde contemporain. Si Andreas Gursky a dans un premier temps exploré les interactions entre les hommes et leur environnement, et l’impact de l’activité humaine dans le paysage, ses travaux plus récents interrogent les lieux de production mais aussi ceux du capitalisme. Parmi ses dernières œuvres, la froide réalité du géant du e-commerce Amazon (2016) se donne à voir en quatre mètres par deux.
Offrant différents niveaux de lectures, de loin pour embrasser la monumentalité, de près pour saisir l’intensité des détails, ses photographies bouleversent notre manière d’appréhender la réalité. « Au sens figuré, ce que je crée est un monde sans hiérarchie, dans lequel tous les éléments picturaux sont aussi importants les uns que les autres. »
Témoins de leur époque, les œuvres d’Andreas Gursky valent plusieurs millions de dollars, ce qui fait de lui l’un des photographes les plus côtés du monde. A défaut de s’offrir une œuvre, cette rétrospective passionnante est assurément la meilleure raison de se rendre à Londres en ce début d’année !
Hayward Gallery, Southbank Centre, Belvedere Rd, London SE1 8XX.
Jusqu’au 22 avril.