Arrivé dans la capitale du Royaume-Uni il y a une dizaine d’années, après deux points de chute européens, Philippe Malouin s’est installé dans l’East London d’abord par opportunité. Natif de la banlieue de Montréal, ville où il a démarré ses études avant de s’envoler pour Paris puis Eindhoven, c’est finalement à Hackney qu’il a trouvé refuge. « Certes, le quartier n’était pas très sûr, mais les loyers étaient tellement bas – 500 livres par mois [environ 700 euros à l’époque, NDLR] – que c’était le seul à ma portée », se remémore le designer.
Là, il rénove entièrement lui-même un studio-loft : « J’ai tout retapé dans cet espace ! » Ses amis créatifs, de Martino Gamper à Max Lamb, sont nombreux à coloniser le quartier. Au fil des ans, les loyers augmentent, mais Philippe Malouin, séduit par l’émulation locale, et à la faveur de gros projets, déménage… à nouveau dans Hackney : « Londres est une métropole tellement immense que lorsque vous vous trouvez à l’aise dans un écosystème, vous n’en sortez plus. Qu’est-ce que j’irais faire en centre-ville alors que tout se passe ici ? »
Il s’installe dans un espace de 50 m2 de la Deborah House, un ancien bâtiment industriel reconverti dans les années 90 en studios d’artistes et de designers. « Je ne suis pas un maker. Je n’ai donc pas besoin d’un immense studio ni d’un atelier car je n’y fais pas de réalisation finale. Je dessine par exemple beaucoup de chaises dont je ne conçois ici que les prototypes. Ensuite, pour développer la forme ultime et pouvoir la tester, l’assise doit être exécutée dans un atelier professionnel. » D’où une première impression, pour le visiteur, de bricolage à petite échelle ; Philippe Malouin expérimente chez lui certains projets avant d’envoyer une version intermédiaire aux éditeurs.
« Je ne me détourne pas du travail manuel, car c’est le bricolage qui me mène à d’autres pistes. J’avais par exemple découvert un roulement à billes en ouvrant un objet par accident. Ce geste m’a donné l’idée de travailler sur un roulement à billes en Nylon… » Avant de finalement imaginer deux tables en Nylon creusées d’une rainure, elle-même dotée de boules en Nylon, qui permettent au plateau supérieur de rouler. Une collection à la limite du jeu et de la science qu’il a réalisée pour le musée d’Art contemporain de Santa Barbara (Californie).
« Les matières qui m’intéressent sont celles que je ne connais pas, comme le marbre. J’aime les pousser pour leur confier un usage à la fois inattendu et fonctionnel. » Philippe Maloui
« En fait, ce qui m’intéresse, c’est de produire de la simplicité grâce à la technologie, que celle-ci m’aide à aller vers la fonction. Le stylisme ne me passionne pas, je le réduis toujours au minimum. Je n’aime pas cette mode qui tend à gaspiller les ressources. » En cela, il est un disciple de Jasper Morrison… mais aussi son voisin, puisque le studio et la boutique du designer britannique se trouvent à quelques encablures du sien. Hackney, nouvel épicentre du design minimaliste !