Isabelle Dubern, Anna Zaoui et Lily Froehlicher, sont trois passionnées de décoration d’exception. Ensemble, elles ont créé une plateforme de vente mettant en avant leurs coups de cœur. Un système encore rare dans le secteur du mobilier contemporain non vintage. La collection fonctionne comme une sublime gare de triage. L’internaute y découvre uniquement la crème de la crème des grands décorateurs de 2017, une trentaine au total, à travers leurs créations, petites séries ou sur mesure.
The Invisible Collection donne ainsi une visibilité à tout ce dont on peut avoir besoin dans une maison raffinée. L’internaute navigue dans ce choix actualisé de mobilier et d’accessoires pour lequel les livraisons se font en « gants blancs ». Fait rare, le prix est affiché pour la plupart des articles. Ce qu’il y a de réjouissant, c’est qu’il ne s’agit pas nécessairement d’extravagances.
Dans l’Invisible Collection, le mobilier sophistiqué joue aussi l’élégante sobriété. Rien d’ennuyeux, loin de là. D’ailleurs, le décorateur Pierre Yovanovitch en donne un exemple précis. Un jour, pour un projet suisse, il a commandé aux ateliers lyonnais Jouffre un canapé de six mètres de long, entièrement tapissé de tissu ivoire, finement bouclé, sans aucun coussin ni bouton et quasiment aucune couture. Aussitôt dit, finalement fait. Dans ce genre d’exercice sur mesure, le décorateur n’oublie pas que son client est censé s’asseoir des milliers de fois sur son canapé. Le plus chic doit donc avoir la résistance du siège de voiture… mais sans y ressembler ! De ce genre de collaboration, Pierre Yovanovitch dit : « C’est à ce moment-là qu’un projet est le plus vivant. » On ne dira jamais assez à quel point le design est un work in progress. Le résultat final y est rarement la réalisation exacte de ce qui était prévu.
L’absence d’extravagance, aujourd’hui bienvenue en période de recrudescence d’un certain kitsch ne signifie pas l’éloge sans nuances de la ligne plate. The Invisible Collection donne ainsi un point de vue sur la décoration internationale à un moment donné. Pierre Yovanovitch a d’abord fait réaliser le premier fauteuil Bébé Ours et son pendant le Papa Ours par les ateliers de tapissiers de Jouffre. Sa création est entrée ensuite dans l’Invisible Collection qui l’a présenté fin 2016 à Miami. Elle donne l’exemple de ce que peuvent signifier aujourd’hui les réminiscences.
Yovanovitch a évité les citations trop fidèles. L’œil averti pense certes illico au monde ouaté des réalisations d’architecture intérieure du décorateur-ensemblier français Jean Royère (1902-1981). Ses fauteuils et ses canapés Ours Polaire, doux comme des houppettes, ont juste inspiré Yovanovitch. Le décorateur emmène ailleurs le registre de formes de Royère, tout en le citant par le nom de baptême du meuble. Mais il prend le risque de surmonter le dossier de ses assises de sortes d’oreilles qui font penser à celle d’un jouet en peluche. Pourquoi pas ? Parce que d’une oreille à l’autre, il y a une distance aussi nette que celle qui sépare extravagance et audace.