Le monde est son jardin
Il y a quelques mois, juste avant sa mort, le photographe américain Louis Stettner a fait don d’une centaine de ses tirages au Centre Pompidou qui les a exposés l’été dernier. Le catalogue Ici ailleurs reprend l’épopée photographique et les jeux de textures et de regards que cette figure de la photographie humaniste développe depuis huit décennies. La surprise arrive à la fin du livre lorsque Stettner abandonne la ville pour la nature et les arbres tourmentés du massif des Alpilles…
Louis Stettner – Ici ailleurs, de Louis Stettner, Clément Chéroux et Julie Jones, Éditions du Centre Pompidou-Éditions Xavier Barral, 160 pages, 39 €.
Rencontres extra-ordinaires
Chaque année, les Rencontres de la photographie d’Arles surprennent par la diversité de leurs expositions, la variété des regards et la multiplicité des points de vue transmis par la photo. Reportage clinique sur l’avortement, épopée camarguaise de Johnny Hallyday ou rencontre avec des monstres fantastiques qui peuplent l’archipel japonais… Tout au long de ce catalogue qui retrace les 40 expositions de l’édition 2016, on se laisse embarquer par les folies du monde, tantôt graves, tantôt légères, mais toujours inattendues.
Arles 2016 – Les Rencontres de la photographie, collectif, Actes Sud, 384 pages, 46 €.
Work in progress
Archéologue d’un monde en chantier permanent, Stéphane Couturier transforme en art abstrait immeubles, chaînes d’usine et travaux de démolition en les extirpant de leur contexte. Le regard « déconstructiviste » qu’il promène de Paris à Berlin en passant par Séoul, Moscou et La Havane, permet de faire jaillir un motif répétitif derrière une façade algéroise ou derrière un lotissement du désert américain, créant à chaque fois d’énigmatiques tableaux photographiques.
Stéphane Couturier, collectif, Éditions Xavier Barral, 208 pages, 40 €.
Luxueux Bronx
Depuis quelques années, une nouvelle forme de beauté a envahi les magazines de mode. Moins normée, moins « genrée », moins parfaite, elle rend compte de l’évolution de la jeunesse et de ses codes. Agent de mannequins et photographe, l’autodidacte Kevin Amato arpente depuis plus de dix ans les rues du Bronx où il déniche ces « gueules » que s’arrache l’univers du luxe. Entre mises en scène faussement négligées et portraits pris sur le vif se lit ici le reflet d’une génération qui balance entre urgence et nonchalance, fraîcheur et fêlures…
Les Importants, de Kevin Amato, Phaidon, 224 p., 45 €.
Alice derrière le miroir
Dans ses clichés, Helmut Newton aimait tout dévoiler de la beauté des femmes. Néanmoins, l’une d’entre elles a échappé à cette règle en occupant une place longtemps restée secrète dans la carrière du photographe, celle d’épouse. June Newton a choisi comme pseudo Alice Springs. En tant que photographe, elle ne cachait pas son talent, mais le public n’avait d’yeux que pour Helmut… Après deux accrochages à la Maison européenne de la photographie, son travail fait l’objet d’une monographie remarquable éditée par Taschen. Un beau livre qui met en avant rombières new-yorkaises et punks californiens…
Alice Springs – The Paris MEP Show, de June Newton, Taschen, 112 pages, 40 €.
Quadragénique
Aucun phénomène de notre époque n’échappe à l’œil de Pierre et Gilles, démiurges de la pop culture qui fêtent leurs 40 ans de carrière. Une occasion idéale pour remonter le temps, redécouvrir leurs origines, leurs influences et comment ils se sont inscrits dans l’histoire de l’art photographique, eux que l’on imagine déconnectés de tout, campés dans leur bulle kitsch, oscillant entre trash assumé et inquiétante douceur. La présentation chronologique de l’ouvrage révèle l’impact des bouleversements du monde sur leur travail. Qui d’autre pourrait faire voisiner Madonna et un vendeur à la sauvette ? Salvador Dalí et Stromae ?
Pierre et Gilles, d’Éric Troncy et Hans Ulrich Obrist, Flammarion, 400 pages, 50 €.