Il se cache derrière une grande porte en bois noir, dans une rue paisible de Maastricht : c’est un ancien atelier de peintre, dont Valentin n’a pu louer, juste après l’obtention de son diplôme de l’Académie des Beaux-Arts de Maastricht, que la première salle. « C’était pour essayer ! » Trois ans plus tard, il acquiert l’ensemble. Tout est allé très vite ! Cependant sa rencontre avec la galeriste parisienne Marie-Bérangère Gosserez sera le point de départ de ce fabuleux destin.
Elle le contacte en 2010, lorsqu’elle repère son travail de fin d’études à la Design Week d’Eindhoven et vend ses pièces dans la foulée. Puis elle lui en commande de nouvelles et le représente sur les foires internationales de design et d’art contemporain. Une confiance mutuelle s’instaure ainsi qu’une amitié sincère. Une intense collaboration s’ensuit.
En 2011 naît la collection « Fall/Winter » : une série de meubles composés de plateaux en chêne reposant sur des pieds en branches de noisetier, noircis au chalumeau, puis passés à la cire. Le plateau est ensuite poncé au sable, poli et traité à l’huile. Comme un écho, en 2013, suivra la collection « Spring/Summer ». Valentin innove en travaillant le bronze, dont il fait des piètements, et le chêne patiné noir mat, pour les plateaux. Sa console se voit attribuer le titre de « Plus Belle Pièce de design contemporain du PAD London » de la même année.
Un travail d’orfèvre, dans la continuité, pour ce designer et artiste un peu rêveur, issu d’un père céramiste et d’une mère artiste dans l’âme, et entouré d’une large fratrie soudée, happée par cette fibre artistique familiale. « Je ne viens pas du design, mais de l’art. C’est l’essence même de créer qui m’anime chaque jour. J’imagine des choses depuis mon enfance et essaie de les matérialiser, confie Valentin. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant la pièce que je crée, mais c’est ce que j’y investis : mon énergie positive. Je pourrais ainsi créer tout autre chose que du mobilier. Je travaille d’ailleurs également en tant qu’architecte d’intérieur pour des maisons particulières et des restaurants. J’ai toujours été très attiré par le cinéma, la création d’espaces. J’imagine alors les meubles adaptés à ces lieux. Et ces créations m’inspirent pour concevoir mes propres collections. » Valentin déroule ainsi sa pelote et résume : « It makes sense ! » Et s’il devait trouver une expression pour décrire son métier, ce serait « make people feel good ».
Fait maison
Il se rend sur son lieu de travail tôt le matin, avant tout le monde. Il s’installe sur une grande table en bois aux bords arrondis, créée autour d’un arbre, parce que les plantes ont toujours fait partie de son environnement. « J’ai grandi dans une grande maison à la campagne. J’aime profondément la nature, elle m’apaise et m’inspire continuellement », dit-il. Il a construit une verrière attenante à l’atelier, copiée sur un modèle ancien, pour y intégrer son citronnier, acheté avec l’argent de sa première vente. Tout est fait sur place : « Mes assistants travaillent à l’extérieur, préparent le bois qui est ensuite apporté ici. »
Chaque pièce est unique, datée et signée par l’artiste. « Mes pièces sont conçues comme en haute couture. L’intérieur des placards, ce que l’on ne voit pas, est tout aussi abouti. Toutes mes matières sont recherchées avec soin. J’aime les contrastes, tout en n’utilisant que des couleurs naturelles. » Les matériaux semblent « collaborer ». Il poursuit : « Aucun détail n’est laissé au hasard. Rien n’étonne à première vue. Et vous vous sentez naturellement bien dedans. » C’est la lumière qui leur donne leur couleur, car pour Valentin, la couleur en tant que telle est trop immédiate. Elle brouille l’essentiel du lieu et de l’objet.
Un précepte appliqué à sa maison, construite de ses mains, à quelques minutes du centre-ville. Cette antique petite bâtisse pour chevaux, située sur la plus belle et plus ancienne rue de Maastricht, face à la rivière, Valentin la voulait, contre vents et marées. Classée aux Monuments historiques, sans eau ni électricité, elle demandait une importante réhabilitation qu’il a entreprise avec sa compagne, l’illustratrice Jip Linckens. Du toit aux fenêtres en passant par le chauffage, il a fallu obtenir des autorisations pour tout.
Passé la porte d’entrée, l’impression est celle d’avoir franchi le seuil d’une habitation troglodyte : plancher blond, cheminée, peuplier, ficus, ambiance monacale, tonalités monochromes et murs à la chaux arrondis aux contours incertains. À travers les objets posés çà et là, toute la famille est ainsi réunie : un tableau de la grand-mère, une photo du frère Johannes, des prototypes de sols en béton créés par la sœur, un tapis tunisien de la mère…
Elle a été conçue sans plans, à main levée, au jour le jour, à l’intuition, avec son père et des amis. C’est un petit écrin fait sur mesure, meublé des créations de Valentin et ponctué d’illustrations de Jip. Pas de plinthes, le mur « coule » sur le sol, la banquette en chêne de la cuisine sort du mur et le longe pour s’enrouler et faire le lien avec le salon. Une maison composée d’alcôves, de recoins pour s’abriter, s’isoler, se cacher, comme lorsqu’on est enfant. C’est une cabane, tranquille, traversée par la lumière. Au premier, la chambre au parquet noir est totalement ouverte sur l’extérieur grâce à sa grande baie vitrée qui surplombe le jardin. La nature est à nouveau omniprésente.