Lumière, lignes fortes et graphiques, jeux de symétries, mélange de blanc et de noir « utilisé comme une ligne et non comme une couleur »… telle est la signature que l’on retrouve dans la plupart des chantiers que Karine Lewkowicz réalise avec une passion égale pour l’épure et la lumière. Démarche qu’elle a tout dernièrement appliquée en créant le premier magasin Fou de Pâtisserie, rue Montorgueil à Paris, un vrai challenge – vu l’exiguïté du lieu – où l’on trouve un florilège des meilleures douceurs des grands chefs pâtissiers d’aujourd’hui. Cette passion pour les lieux de dégustation va de pair avec celle qu’elle voue aux lieux de vie privée, comme ce récent penthouse situé au dernier étage d’un immeuble de Tel-Aviv, ou ce loft de 300 m2, à Paris, sur lequel elle planche avec Aline Abramczyk, amie et architecte d’intérieur qu’elle a rencontrée sur les bancs de l’école Camondo. Si, pour ce projet, la première travaille davantage sur le design, la seconde se concentre plutôt sur l’architecture d’intérieur, sans que cette frontière entre elles deux ne soit pleinement définie. « Il s’agit d’en faire un appartement familial, explique-t-elle, tout en gardant les hauteurs sous plafond et les volumes. Pour habiter et réchauffer le tout, nous travaillons sur des matières simples et authentiques, sur une palette pastel et du mobilier aux lignes épurées. » Mais c’est surtout la brasserie Lazare, à Paris, qui a lancé la jeune femme. « L’écueil à éviter était de sombrer dans la reconstitution, rappelle-t-elle. On a tout de même travaillé sur les éléments fondamentaux d’une brasserie parisienne : le bar rond en cuivre, le mobilier en acajou, les longues banquettes en cuir, les nappes blanches. L’objectif était surtout d’en faire un rendez-vous chaleureux et contemporain. » Carte blanche lui fut donc donnée pour orchestrer 260 m2 et réorganiser le tout en tables d’hôtes, bar et lounge. Depuis, le lieu affiche complet. C’est dans ce même esprit que Karine Lewkowicz a exporté son savoir-faire et son style typiquement français à Milan, pour réaliser, en 2015, la brasserie et boulangerie Le Vrai. Un savoir-faire acquis après un cursus bien rempli : des études d’arts plastiques à Tel-Aviv, d’abord, d’autres, à Paris, à l’école Camondo, avant qu’elle aille faire ses classes chez Sylvain Dubuisson, puis dans l’agence de Jean-François Bodin, pour enfin fonder sa propre agence, en 2001.
Un style sans fioriture
Car c’est avant tout l’échange, les remises en question et les défis qui intéressent cette talentueuse jeune femme qui défend depuis le début les mêmes convictions : la sobriété des lignes, le goût des échappées et des transparences, le mélange des matières pauvres et luxueuses – des tommettes et du marbre, des bois bruts et de l’acajou, des peintures mates et de la laque. Nulle fioriture ici ni d’effets déco gratuits, mais en revanche des réalisations qui révèlent avant tout une fibre architecturale. On a d’ailleurs souvent reproché à Karine Lewkowicz de réaliser des univers assez masculins. « Normal, rétorque-t-elle, j’ai été fortement influencée par la blancheur et l’architecture brutaliste et Bauhaus du Tel-Aviv des années 30, mais également par la lumière des installations de James Turrell. Pour un lieu qui a déjà une histoire, mon travail consiste d’abord à m’imprégner de son âme, à lui redonner une identité si cette dernière a disparu, puis à créer un fil conducteur. Cela se résume parfois à des détails, comme magnifier une corniche, une frise, un motif de mosaïque ou de parquet, mais aussi à reconstituer un escalier, un plafond, une perspective. Si ce n’est pas une rénovation mais une création totale, le travail se révèle alors presque plus simple, car il s’agit d’inventer quelque chose qui n’existait pas. »
Des demandes hétéroclites
Son dernier chantier, un hôtel Mercure du groupe Accor remporté par son agence à la suite d’un concours, a été livré en mai dernier. Sa thématique était peu banale : le sport et les médias. Il n’en fallait pas moins pour stimuler l’architecte d’intérieur. Elle relève le challenge avec panache en décorant d’art cinétique lobby, lounge, restaurant, terrasse et piscine, et en équipant ces espaces d’écrans plasma afin de pouvoir suivre toutes les compétitions sportives du monde. Une création de A à Z qu’elle mène de front avec celle de La Maison Nordique, célèbre enseigne scandinave qui fournit hôtels et restaurants en denrées gastronomiques. Pour cette nouvelle adresse, rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans le VIIIe, à Paris, elle s’est inspirée de la symbolique de la mer afin de dessiner des arches et des moulures calquées sur les lignes de la coque d’un bateau, qu’elle a mélangées, fidèle à son goût pour les métissages poétiques, à du mobilier en mélèze brossé. Le lieu ouvrira ses portes en septembre prochain, presque en face de la salle Pleyel, et assortira sa partition d’un espace de dégustation ouvert au public.
Karine Lewkowicz. 3, avenue Rodin, 75116 Paris. Tél. : 01 40 27 08 70.