À Bruxelles, l’Atelier Jespers vient d’exposer vos créations éditées depuis 1996. Que retenez-vous de ces années passées ?
Bruno Domeau : En tant qu’artisans, nous avons pu prouver que nous pouvions travailler avec les talents de notre époque et remettre en cause notre expertise artisanale à chacune de ces collaborations. Notre rencontre avec Jean-François Declercq, propriétaire de l’Atelier Jespers, et l’architecture moderniste des lieux, nous ont inspirés. Nous y avons imaginé la maison d’un créatif meublé avec nos réalisations : le Bumper Bed en cuir, de Marc Newson (2013), dans la chambre ;le lit de jour en drap de laine Safe Rest des frères Bouroullec (1999) dans l’entrée…
Comment avez-vous vu évoluer le métier d’éditeur ?
Philippe Pérès : À nos débuts, le design était synonyme d’industrie. Avec notre formation traditionnelle, qui est issue du compagnonnage, nous n’avons jamais eu de logique préalable de fabrication et de distribution : c’est le développement des pièces qui a révélé nos nouvelles compétences. On a toujours préféré un matériau pour sa texture plutôt que de nous fier à son application classique. On travaillait aussi à l’économie, en utilisant par exemple le feutre des revêtements de sol pour Quand Jim monte à Paris de Matali Crasset (1998). Et nous avons commencé sans ordinateur. Aujourd’hui, le numérique tend à effacer le coup de crayon du designer.
Votre atelier, votre showroom et votre galerie d’art sont, depuis toujours, à La Garenne-Colombes (92). À quand un espace à Paris ?
B.D. : Nous ne voulons pas d’une simple vitrine. Nous avons toujours fonctionné grâce au bouche-à-oreille. Souvent, nos clients découvrent notre éventail de savoir-faire, qui va jusqu’à l’aménagement intérieur, après avoir acheté l’un de nos meubles.
P.P. : Nous ne sommes pas dans le secteur de l’édition limitée des galeries, avec de belles marges. On ne court pas après la nouveauté.
Dans ce cas, vers où court donc le duo Domeau & Pérès ?
P.P. : On lâche de plus en plus le monde du design pour continuer à nouer des liens avec des artistes, comme Fabrice Hyber, qui nous donnent une direction artistique que l’on canalise ensuite dans une fonction.
B.D. : Notre maturité attire. Les gens viennent sonner plus facilement chez nous. Bientôt, on pourra aussi nous voir au musée : nous sommes en pourparlers pour la donation de l’ensemble de notre œuvre à une institution. Là aussi, c’est la rencontre qui primera…