Dans le vaste monde du mobilier, chaque marque tente de prendre une place, de présenter une caractéristique qui la fera sortir du lot. Pour Poltrona Frau, l’évidence s’impose : la marque italienne est indissociable du cuir, qui a fait sa réputation depuis 1912. Le fameux Pelle Frau – et sa vaste palette de teintes et de finitions – qui habille les créations faites main de la marque a largement contribué à en asseoir la renommée internationale. Ce que les passionnés de culture ignorent en revanche, c’est qu’il n’est pas rare qu’ils se retrouvent assis dans du Poltrona Frau sans même le savoir. Qui, en effet, sait parmi eux qu’il a assisté à une conférence à la Fondation Louis Vuitton, à Paris, confortablement lové dans l’un des sièges fabriqués et installés par la griffe ? Car, outre les produits pour le résidentiel et l’activité Interiors in Motion, qui regroupe l’équipement des yachts, des voitures, des trains et des avions, Poltrona Frau possède une importante division contract. Celle-ci regroupe quatre types de projets. Le premier, le plus important puisqu’il représente plus de la moitié de cette activité spécifique, concerne l’aménagement des auditoriums, des salles de spectacle et de concerts. Le deuxième touche le monde de l’hôtellerie et, plus spécifiquement, les espaces publics comme les lobbies, mais aussi la fourniture de mobilier sur mesure pour les chambres d’hôtel. Le troisième secteur est celui des boutiques pour lesquelles la marque fournit du mobilier. Enfin, la dernière activité est liée aux espaces de travail : accueils de sièges sociaux, agencement des bureaux de direction…
Du paquebot à la salle de concerts
Les origines du contract chez Poltrona Frau sont presque aussi anciennes que la marque elle-même. Dès les années 30, l’enseigne équipe les bateaux de croisière de son mobilier en démarrant l’aventure avec le paquebot transatlantique Rex. Suivront d’autres commandes, comme l’Andrea Doria (avec des chaises signées Gio Ponti), le Raffaello et le Michelangelo notamment. C’est en 1984 que se structure réellement la division contract. « Cette décision est née à la fois de l’idée de fournir aux entreprises des produits de même qualité que ceux destinés à nos clients particuliers et du constat que les besoins des entreprises ne sont pas les mêmes en termes de délais, d’exigence et de personnalisation, résume Kurt Wallner, responsable du contract. C’est pourquoi nous avons voulu leur apporter un soutien à 360 degrés : du développement du produit à son installation, en passant par sa fabrication et son expédition sur le site. » Comme souvent, la grande histoire en recèle une plus petite. La division contract a ainsi pour origine la présence, dans les années 80, du président de Poltrona Frau, grand amateur de musique, à un concert dans une salle de Spolète, en Ombrie. Le hasard le place aux côtés du directeur du lieu, et la discussion porte bientôt sur l’inconfort des sièges. De là naissent la proposition d’améliorer les choses et un premier contrat, suivi de centaines d’autres ailleurs dans le monde… Preuve de la qualité fournie, les sièges créés alors pour la salle de Spolète sont toujours utilisés, puisque Poltrona Frau les a, depuis, installés dans l’auditorium de sa propre usine.
L’adaptation comme force
Pour l’entreprise, habituée à travailler aux côtés des architectes et designers les plus réputés, accompagner de grands noms comme Frank Gehry, Renzo Piano, Jean Nouvel ou, avant sa disparition, Zaha Hadid, fait partie du quotidien. Pour autant, il n’existe pas de petit projet. « Nous travaillons aussi bien avec un architecte de renom qu’avec un inconnu, explique Kurt Wallner. Quelle que soit l’envergure du projet, d’un millier d’euros à plusieurs millions, le même principe s’applique. L’un de nos chefs de projet basé au siège, à Tolentino, pilote le dossier du début à la fin. Il met en place une équipe dont la composition varie selon la dimension du projet et qui va travailler sur tous les aspects : définition, aspects techniques comme l’acoustique, choix du tissu ou du cuir, production, logistique et installation. Poltrona Frau possède ses propres équipes, y compris pour la pose, ce qui nous permet de tout gérer et d’assurer un niveau de service maximal, dans les meilleurs délais. » Des divisions commerciales chargées de trouver les contrats sont également réparties dans le monde à New York, Londres, Paris, Dubaï ou Hong Kong… À l’usine de Tolentino, un département est dédié au prototypage et un atelier à la fabrication des produits pour le contract. Car, au-delà de l’offre au catalogue de fauteuils pour les auditoriums, la véritable force de Poltrona Frau est sa capacité à produire des sièges à la carte, selon le dessin ou l’intention de l’architecte, comme c’est le cas dans un projet sur deux. L’entreprise a par exemple développé pour Jean Nouvel un siège spécifique pour le Louvre Abou Dhabi, tout comme elle l’a fait avec Frank Gehry pour le Walt Disney Concert Hall de Los Angeles. « Pourquoi un architecte devrait-il choisir un fauteuil dans un catalogue pour un projet qu’il crée de toutes pièces ? s’interroge Kurt Wallner. Lui proposer d’aller jusqu’au bout de son histoire est un point très apprécié. » Si le responsable du contract ne donne pas d’indication précise sur ce que représente cette activité chez Poltrona Frau, il en reconnaît l’importance : « Même si le résidentiel reste le cœur de notre business, la part du contract est très significative et a fortement progressé. Le ralentissement économique qui touche les ventes pour les particuliers ne concerne pas le secteur professionnel. Du coup, la part du contract ne connaît pas la crise. »