Le vendredi, il faut près d’une heure pour joindre le quartier de Kreuzberg depuis l’aéroport de Schönefeld. Pas de désengorgement en vue pour ce quartier central et populaire, devenu partiellement chic. Ses restaurants étoilés succèdent aux espaces d’exposition agglutinés autour de l’adresse berlinoise de l’historique galerie Konrad Fischer et de l’impressionnante église brutaliste dans laquelle s’est installée la König Galerie. A l’occasion de Gallery Weekend, cette dernière exposait son écurie d’artistes au top, dont la Française Camille Henrot, Lion d’argent à la Biennale de Venise 2013, et l’Autrichien Erwin Wurm avec ses bronzes de cornichons surdimensionnés.
Plus qu’un simple parcours fléché dans la ville, Gallery Weekend comprend un programme soutenu d’expositions dans les galeries et d’évènements dans les grands musées et centres d’art. Pour la troisième année consécutive, Audemars Piguet, partenaire officiel de cette manigestation, y dévoilait son premier catalogue (« The Art Projects, 2013-2015 ») répertoriant ses collaborations artistiques (Dan Holdsworth, Theo Jansen, Robin Meier, Kolkoz…).
Ultra-urbaine et éco-responsable, gentrifiée tout en restant accessible, Berlin fait mine de cultiver les paradoxes et un certain goût pour l’utopie. Mais ici, au contraire de New York et Bruxelles, c’est l’économie sociale de l’art qui prime. Hormis quelques grandes collections privées (Sammlung Boros, Me Collectors Room et la nouvelle The Feuerle Collection), les amateurs sont basés à Munich et Cologne. Gallery Weekend se présente donc comme un hub éphémère où l’on vient s’informer, se montrer et acheter des artistes clés de la scène allemande.
Dans le secteur de Mitte, les œuvres immersives et interactives pleuvaient, comme celles du musicien et artiste Carsten Nicolai (installation minimale et aquatique qui faisait dialoguer néons et eau chez Eigen+Art) et de Tomás Saraceno (installation conceptuelle et arachnéenne chez Esther Schipper). Du côté des présentations monographiques d’ampleur, « Studio » de Wolgang Tillmans (photos) à la Galerie Daniel Buchholz et « Irrkunst » du Britannique Edmund de Waal (céramiques et installations) à la Galerie Max Hetzler étaient proches de la perfection.
Pour vivre la nouveauté, il fallait s’encanailler poliment à l’ouest, dans le quartier de Kufürstenstrasse, où le concept-store d’Andreas Murkudis a déménagé. Pour Gallery Weekend, cette cathédrale du shopping intello offrait à voir des lustres de plus de 5 mètres de hauts commandés au designer Michael Anastassiades, des prototypes du verrier Venini et une installation de bijoux tribaux pour la marque Céline. Juste à côté, l’exposition de l’artiste et écrivain Harland Miller (galerie Blain Southern) et la première venue du plasticien brésilien Adriano Costa chez Supportico Lopez offraient leurs lots de surprises.
Présentée à l’occasion de Gallery Weekend par ses commissaires (le collectif new-yorkais DIS), la prochaine Berlin Biennale (du 4/06 au 18/09) va miser sur l’art digital et dématérialisé pour redorer le blason artistique de Berlin.