Le dernier beau chantier de Laura Gonzalez cette année, c’est Manko-Paris, inauguré en février et situé sous le Théâtre des Champs-Élysées. Trois lieux en un avec un restaurant, une brasserie et un cabaret « fantasmagorique » ouvert le vendredi et le samedi à partir de 22 h 30. Trois têtes pensantes aussi, puisque le dirigent Benjamin Patou, Gastón Acurio et Garou. Benjamin Patou, le fondateur du Moma Group, créé en 1997, a relancé des établissements mythiques comme L’Arc Paris, le Victoria 1836 et, surtout, Le Bus Palladium dont il avait déjà confié la rénovation à Laura Gonzalez. Gastón Acurio, grand chef péruvien, a reçu en 2013, en Suède, le White Guide Global Gastronomy Award récompensant la diffusion et la promotion de la gastronomie équitable, l’un de ses combats de cœur. Il dirige une quarantaine de restaurants dans le monde, dont le célèbre Astrid y Gastón (sujet de la récompense suédoise), une salle créée avec sa femme, et ouvre donc ici son premier restaurant parisien. Enfin, Garou, le chanteur, va diriger avec Manon Savary, Marc Zaffuto et Emmanuel d’Orazio le cabaret du lieu. Mythique, ce dernier l’est peut-être déjà puisqu’il se situe dans les anciennes salles d’enchères de Drouot-Montaigne qui ont vu passer des ventes illustres. « J’ai eu ici complète carte blanche, explique Laura Gonzalez. Tout était à recréer, l’atmosphère était entièrement à redéfinir, d’autant plus qu’il n’y avait pas de lumière du jour. Il ne s’agissait pas d’en faire un lieu trop anecdotique, mais au contraire un rendez-vous parisien complètement inédit et cela, aussi bien en termes de décoration que de cuisine. Le Pérou est évoqué par des touches ponctuelles, comme l’or qui recouvre certains éléments décoratifs, une allusion à Manco Càpac Ier, fils du Dieu-Soleil, fondateur du peuple inca et qui fut recouvert d’or après avoir plongé dans un lac. L’empreinte Art déco est, en revanche, soulignée par les motifs géométriques des tissus, des rambardes et des luminaires. » La juxtaposition de matières nobles et pauvres, du théâtral et de l’intime, se retrouve dans les sols en tomettes, les marbres et les carreaux de faïence, les murs peints bleu inca, ocre, magenta ou vert intense dosés pour ne pas être trop présents, les appliques patinées, les kilims, les tables et les chaises en bois précieux, les serrureries en laiton, les feuilles d’argent vieillies. Un an de travail pour « retranscrire un raffinement brut et transformer un lieu emblématique en un rendez-vous mixant bohème péruvienne et chic parisien », résume cette ancienne d’hypokhâgne et de Sciences Po Paris qui a créé sa boîte, Pravda Arkitect, en 2004, et a réalisé plus de 200 projets à ce jour. « On a souvent catalogué mon style de bohème chic, je dirais plutôt hétéroclite chic », corrige-t-elle, mutine.
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