Dans la capitale du design et de la mode, seules quelques personnalités influentes se révèlent aptes à transcender notre vision de ces univers, à nous amener vers de nouvelles tendances et à porter au firmament de parfaits inconnus. C’est indubitablement à cette catégorie qu’appartient Nina Yashar, alliée de grands noms de la mode, de l’art et du design et dénicheuse de talents. Elle vit dans un grand appartement au cœur d’une zone résidentielle proche du centre-ville, dans un immeuble conçu en 1958 par l’architecte Giandomenico Belotti. « Même si l’état de l’appartement n’était pas catastrophique lorsque je l’ai trouvé, avant de me pencher sur la décoration intérieure, j’ai entrepris un vaste projet de rénovation, explique-t-elle. J’ai fait appel au créateur de bijoux Giancarlo Montebello, qui est également mon ami. » Nina souhaitait rompre avec les normes du milieu des années 80, une époque où la surenchère était de bon ton. Ainsi, plutôt que de s’adresser à un grand nom de l’architecture, elle a misé sur un créateur qui n’était jamais intervenu sur un projet résidentiel. Elle avait vu une œuvre extrêmement minutieuse que Montebello avait réalisée pour l’une de ses amies et avait été séduite par son sens du détail. C’est alors que leur collaboration a débuté, pour peu à peu se transformer en amitié. Depuis, c’est lui qui s’occupe de la décoration intérieure de ses boutiques.
Une vision hors du commun
L’un des apports majeurs de Montebello a été de trouver une solution pour les murs. Il y a vingt-trois ans, lorsque les travaux ont commencé, la tendance était au papier peint ou au tissu. Cette fois encore, Nina a voulu jouer la différence. Montebello lui a donc suggéré une technique consistant à y graver des formes géométriques avant de les peindre, comme des fresques. Les plafonds ont été recouverts d’un bleu soutenu, puis « lavés » plusieurs fois avec du blanc afin d’obtenir un effet qui est demeuré intact après deux décennies. « Un rendu plus simple à réaliser qu’il n’y paraît », précise Nina. L’idée des fresques sur les murs et les plafonds n’était pas nouvelle, mais utiliser des techniques traditionnelles de manière contemporaine est l’approche privilégiée de Nina. Dans sa galerie, elle ne se contente pas de mélanger les périodes et les styles. Elle a toujours fait partie de ceux qui placent les nouveaux talents aux côtés des grands maîtres. « Toutes les décisions concernant les combinaisons que j’opère sont fondées sur mes intuitions et ma vision. Je n’ai pas de critères stricts, tout vient naturellement, de l’intérieur », confesse-t-elle. Son instinct naturel la guide judicieusement puisqu’il l’a conduite notamment à révéler au monde Martino Gamper.
Ils ont travaillé ensemble durant environ sept ans et il est clair qu’il occupe une place toute particulière dans son cœur : « Mes œuvres favorites sont ses séries de tables. Elles ont été réalisées en désassemblant puis en assemblant à nouveau des œuvres originales de Giò Ponti. Je sais que Martino Gamper est un designer dont je ne me séparerai jamais. » Des éloges d’autant plus vibrants que Nina possède des pièces de Frank Lloyd Wright, Carlo Mollino, Arne Jacobsen…
Sa maison ne se contente pas de déborder d’œuvres importantes, elle s’organise surtout avec une fluidité et dans un rythme singuliers. L’arrangement audacieux de tous les éléments lui confère en outre un caractère intemporel. Seule la réunion d’un œil averti et d’une bonne dose de confiance en soi peut parvenir à ce type d’élégance. Elle conclut : « Ma maison reflète parfaitement ma personnalité et mon histoire en tant que propriétaire de galerie d’art mais, tout comme ma vie, elle est en constante évolution. Être entouré par tant de beauté est une bénédiction. »